KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

Olivier Girard : Bifrost, nº 92, octobre 2018, spécial Theodore Sturgeon

revue des mondes imaginaires

chronique par Pascal J. Thomas, 2019

par ailleurs :

Dossier Theodore Sturgeon pour ce numéro — Bifrost ne craint pas de se replonger dans les classiques, certes au mince prétexte d'une actualité éditoriale, la parution d'une nouvelle traduction de Cristal qui songe chez J'ai lu en juin 2018. Peu importe le prétexte, Sturgeon nous donne toujours l'ivresse. À l'aide d'un cocktail finement dosé d'étrangeté, de vertige de l'enfance, de monstruosité pathétique, et d'appel des profondeurs de l'univers.

Comme toujours dans ses dossiers, Bifrost nous offre donc des regards croisés sur l'auteur. Exhaustif par les chroniqueurs qui passent en revue sa bibliographie (française), compulsif par Philippe Boulier qui dépouille les traductions françaises de ses nouvelles (dont seulement la moitié environ ont été traduites), intellectuel par Gérard Klein, vécu de près par Paul Williams, biographique par Francis Valéry — en grande forme sur cet article. On en sort avec l'envie de tout relire (ou presque). Ce qui est d'autant plus envisageable que Sturgeon, auteur aux humeurs accidentées, a finalement peu produit au long de sa carrière.

Évidemment, le numéro propose aussi deux échantillons de Sturgeon, le très connu "l'Homme qui avait la mer" et le plus obscur "Tandy et le brownie". Si le premier est une tragédie menée de façon oblique à souhait, le deuxième, baroque dans sa présentation, rappelle à la fois "le Viol cosmique" et les Plus qu'humains.

Il y a, comme toujours, beaucoup d'autres choses dans ce numéro. Des chroniques de livres bien menées, à quelques exceptions près : il arrive que le chroniqueur s'appesantisse un tantinet sur la description de l'ouvrage. Un article de vulgarisation scientifique, cette fois-ci autour de la linguistique, et des problèmes de la communication avec une espèce étrangère. Un entretien avec des bibliothécaires qui ont développé une section Science-Fiction dans leur établissement (bravo). Les remarques toujours énergiques — dirons-nous — de Thomas Day.

Et deux nouvelles de plus, d'auteurs francophones. "Aux portes de Lanvil" de Michael Roch a une écriture très marquée, au service de scènes grand-guignolesques dont on ne doute pas qu'elles reflètent un engagement dans les problèmes du moment. Mais qui ne m'ont guère donné envie de creuser l'œuvre de l'auteur. Thierry Di Rollo, lui, n'a plus besoin d'être présenté. Son univers est impitoyable, mais dessiné avec autant de précision que de noirceur, et son personnage de janissaire mécanique à la fois tragique et effrayant. Malgré sa brièveté, "Brumes fantômes" est un texte marquant.

Bref, Bifrost tient toujours son rang comme revue de référence sur la SF en France, avec ses qualités et ses défauts, et, à mon humble avis, plus des premières que des derniers.

Pascal J. Thomas → Keep Watching the Skies!, nº 84, avril 2019

Lire aussi dans KWS la chronique des numéros  1 ,  2 , 42, 45, 46, 51, 59, 66, 71 & 94 par Pascal J. Thomas

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