Gilles Dumay : Étoiles vives, nº 3, février 1998, spécial Stephen Baxter
anthologie périodique de Science-Fiction et de Fantasy
- par ailleurs :
Changement de formule, nous annonce Gilles Dumay ; pour rendre compte de l'excellence des novellas publiées en langue anglaise, et qui peuvent dévorer jusqu'à la moitié d'un numéro de son anthologie, on nous offrira désormais des numéros bâtis autour d'un auteur (texte long à la clé), avec un petit dossier sur ledit auteur. Hum, si j'étais d'humeur sarcastique, je dirais que cette dérive pédagogique rapproche bizarrement Étoiles vives de l'esprit “barbe poussiéreuse” que son bouillant rédacteur en chef reproche sans cesse à la revue Galaxies. Notons à ce sujet que la chronique consacrée en fin de ce volume au numéro 6 de son concurrent préféré est un morceau d'anthologie : « avec de très bons textes et une très bonne équipe, ils échouent à faire une très bonne revue »
affirme-t-il.
J'ajouterais aussi qu'en l'occurrence, il a fallu deux textes de Stephen Baxter, "les Hommes-fourmis du Tibet" et "Columbiad", pour arriver à occuper la moitié du volume, et qu'aucun n'est impérissable. Mais je ne suis guère accroché par Baxter,(1) et guère non plus par le sous-genre représenté par les deux nouvelles en question : il s'agit de “suites” respectivement des Premiers Hommes dans la Lune de H.G. Wells et de De la Terre à la Lune de Jules Verne. Oh, bien entendu, on y trouve tout un tas d'astuces de narration, et de changements de point de vue par rapport à l'œuvre originale, mais aucun des deux récits ne m'a tenu en haleine. En partie sans doute parce que leur parti-pris de narration, situé en dehors ou au-delà des événements qui auraient pu avoir une charge dramatique, m'a privé des effets de suspense dont je suis, en tant que lecteur, si naïvement avide. Le dossier est complété par une bibliographie de Baxter,(2) et un article de Joseph Altairac bien sympathique — la joie gamine qu'il éprouve à découvrir que les Nazis avaient retrouvé le principe de la Columbiad de Verne/Baxter fait chaud au cœur — mais surtout marqué par son amour de Wells. Allez donc plutôt lire son parcours de l'œuvre de l'illustre prédécesseur.
Le numéro est complété par un trio de textes qui tombent un peu comme des cheveux sur la soupe après le duo Baxtérien, et c'est la vraie raison pour laquelle je ne suis guère convaincu par la nouvelle formule d'Étoiles vives. "Le Danseur des plaines" d'Owl Goingback est anecdotique. "Un Rêve d'hippocampe" de Francis Valéry est vraiment excellent — c'est le texte de SF-et-nostalgie-de-l'île-de-Ré qu'il avait essayé d'écrire comme un roman de l'Agence Arkham,(3) mais totalement réussi cette fois-ci. Avec, effectivement, une touche d'Au carrefour des étoiles de Clifford D. Simak et une autre de "Vous les zombies…" de Robert A. Heinlein. Je conçois qu'on puisse ne pas aimer si on est agacé par Francis Valéry, et les références à la SF des années cinquante. Mille neuf cent cinquante, je veux dire.
Enfin, "Radieux", de Greg Egan, est un chef-d'œuvre de la SF à sujet mathématique. De tels textes sont des oiseaux rares, et — je me répète — aucun auteur n'avait touché à ce genre de sujet depuis Rudy Rucker. Egan explique bien les questions vertigineuses tournant autour des travaux de Kurt Gödel, l'indémontrabilité de la cohérence des axiomes de l'arithmétique, et tout ce genre de choses… C'était la deuxième fois que je lisais ce texte, et il m'a fait autant d'effet. Alors, rien que pour ça, vous serez obligé d'acheter ce volume — ou décarcassez-vous pour trouver "Luminous" dans le texte original…(4)
- Ceux qui trouvent qu'Egan écrit mal devraient lire les romans de Baxter, histoire de comparer…↑
- Très bien pour les passionnés de l'auteur — je vois que le lecteur-cible d'Étoiles vives est désormais quelqu'un qui lit l'anglais et achète d'anciens numéros d'Interzone ; je me trompe ?↑
- Cf. ma chronique de la Mémoire du monde.↑
- Une troisième solution consiste à lire en français le recueil homonyme. — Note de Quarante-Deux, qui passait par là début 2017.↑
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