Chroniques de Philippe Curval

Robert J. Sawyer : Calculating God

(Calculating God, 2000)

roman de Science-Fiction

chronique par Philippe Curval, 2005

par ailleurs :
Dieu me savonne

Depuis une dizaine d'années, le Canadien Robert J. Sawyer s'interroge sur l'existence de Dieu à travers la SF. Déjà, dans Expérience terminale qui lui valut le prix Nebula 1996, il sabota un excellent roman par une conclusion d'une épouvantable bigoterie. Quelques années plus tard, avec Dernière chance pour l'humanité, il marque un essai concluant où se mêlent avec talent réalisme psychologique et spéculation débridée, pour sombrer dans la métempsycose. Voici qu'avec Calculating God, il reprend avec une ferveur renouvelée sa quête théologique, via la rencontre d'extraterrestres.

Athée de choc, ardent défenseur des évolutionnistes contre les créationnistes, Tom Jericho, distingué paléontologue du muséum de Toronto, reçoit la visite d'Hollus, grosse araignée à six jambes et deux bras, en provenance de Bêta Hydri. « Pourquoi, sur votre planète comme sur la mienne et celle de nos amis les Wreeds, s'est-il produit trois fois l'extinction d'une espèce dominante à la même date ? Pourquoi sur d'autres mondes où est apparue une civilisation évoluée comme les nôtres, celle-ci a-t-elle disparu deux cents ans après la découverte des ondes hertziennes et peu après celle du vol spatial ? »

Silence radio.

Il n'y a qu'une explication possible : « “Dieu existe !” proclame le Forhilnorien. “Il détermine tout.” — “Absolument faux !” répond Tom. “Je suis atteint sans raison d'un cancer mortel.” »

S'ensuit une discussion de trois cents pages sur la configuration des étoiles et la prolifération des espèces où l'un et l'autre tentent de se convaincre par des arguments savants et documentés sur le big bang, le big crunch et les vestiges fossiles inexplicables. Tandis que le Forhilnorien se gausse de l'aspect mercantile de la prière humaine, le Terrien tourne en dérision la foi du charbonnier des extraterrestres.

Que faire ? Sinon s'embarquer durant quatre siècles vers les étoiles afin d'entendre la réponse d'une entité incroyable qui vient d'éteindre une supernova.

Certes, on prend plaisir à la controverse car Sawyer brille autant dans la démonstration scientifique que dans la mise en cause des paradoxes qui en résultent. On jubile parfois des traits qu'il décoche aux prêtres de toutes espèces et aux adorateurs de l'ignorance. On se prend à aimer ses personnages nourris au lait de la tendresse existentielle. Mais pourquoi faut-il que son positivisme se nourrisse d'un agnosticisme récurrent ? Ce qui donne à son roman une allure de conversion aux thèses qu'il prétend dénoncer.

Philippe Curval → le Magazine littéraire, nº 446, octobre 2005