KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

André-François Ruaud et al. : Fiction, nº 12, printemps 2011

revue de Science-Fiction, de Fantastique et de Fantasy

chronique par Pascal J. Thomas, 2012

par ailleurs :

Nouveau numéro de Fiction, qui ne sera sans doute plus le dernier quand paraîtra ce numéro de KWS.(1) Le bilan : traductions plutôt meilleures en moyenne, textes peut-être moins accrocheurs, mais ce point étant affaire de goût, donnons quelques détails.

Je serais mal placé pour parler des rubriques, y ayant participé — et le pauvre Jean-Jacques Régnier a eu du boulot pour mettre mon article dans un français correct. Signalons seulement qu'André-François Ruaud y parle de “beaux livres” avec une maestria qui m'impressionne toujours, moi qui n'ai ni goût ni connaissances en la matière.

Sur les textes de fiction, qui occupent — c'est la moindre des choses — l'essentiel du volume, deux remarques générales. La première, que souvent une idée géniale fournit le point de départ, mais qu'une fois qu'elle a été bien décrite, l'auteur semble se désintéresser du reste, comme de raconter une bonne histoire, par exemple. Mais ce trait est présent depuis le début du genre SF, et ça ne m'empêche pas d'apprécier certains textes. La deuxième, qu'il devient de moins en moins facile de faire la part de la SF et du Fantastique — signe des temps, ou signe de mon âge, direz-vous —, en ceci que des contextes globaux de type science-fictif (futur, mise en place d'une société différente par exemple) s'y conjuguent avec des éléments extraordinaires qui ne relèvent plus vraiment de la conjecture rationnelle.

Bon exemple, le texte de Jeanne-A Debats, "le Blues du vampire le soir au-dessus des paraboles", mis en place d'emblée par son titre et la date de déroulement annoncée (2065). Une sorte d'hommage baroque au roman populaire, au terroir parisien, voire à son sous-sol, et bien d'autres choses encore, quoique la fin me laisse sur ma faim.

Robert Reed et James Patrick Kelly, valeurs sûres, nous donnent des textes courts bâtis chacun sur l'exagération jusqu'à l'absurde de phénomènes de société : respectivement, l'obsession de la propriété intellectuelle dans "Vous pensez ?", et le fanatisme religieux dans "la Pyramide d'Amirah". Effet comique dans le premier cas, avec pirouette obligée, froid dans le dos dans le deuxième — malgré un virage final dans le Fantastique qui affaiblit l'ensemble.

Nnedi Okorafor est, elle aussi avec "l'Araignée artiste", enracinée dans une réalité contemporaine, celle des habitants des régions côtières et pétrolifères du Nigeria,(2) qui sont nombreux à détourner le pétrole par prélèvements sur les oléoducs — avec les nombreux accidents mortels que cela entraîne. Sa sublimation en Science-Fiction d'un quotidien sordide est d'une force étonnante.

Deux nouvelles prennent le parti d'une construction science-fictive aussi délirante que rigoureuse et détaillée : "Oussama téléphone maison" de David Marusek raconte un plan particulièrement retors pour venir à bout du plus connu des Ben Laden, avec l'obligatoire retournement ironique — et on s'en fiche que l'actualité ait fait basculer le texte dans l'uchronie involontaire ; "le Grand Caruso" de Steven Popkes imagine une dérive particulièrement incroyable d'une contamination par des micro-organismes de synthèse ayant échappé au contrôle de leurs créateurs, avec plus d'amertume et d'émotion que d'humour — même s'il y en a : les petits décalages sont une des marques de fabrique du Magazine of fantasy and science fiction depuis ses origines.

Humour noir enfin, dans un cadre tout aussi purement scientifictif, pour "Gens du sable et la poussière" de Paolo Bacigalupi, qui nous convie dans l'intimité d'une équipe de cyborgs employés à la méthodique destruction minière d'une planète, tout en conservant la capacité à s'apitoyer devant d'autres formes de vie. Peut-être. C'est en tout cas de l'excellente SF.

Bref, même conclusion que pour le numéro précédent : si vous voulez faire des découvertes, si vous n'êtes pas gêné par le léger voile placé devant la lecture par le fait que ce sont des traductions, jetez un coup d'œil à Fiction.

Pascal J. Thomas → Keep Watching the Skies!, nº 70, février 2012

Lire aussi la chronique des numéros  1  &  3  &  11  par Pascal J. Thomas


  1. Semestrielle, l'anthologie lyonnaise piochée dans les pages de F & SF peut battre de vitesse notre paresseux fanzine.
  2. Région connue il fut un temps sous le nom de Biafra et située très loin de l'État du Niger, rappelons-le.

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