KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

P.J. Hérault : le Grand bluff (Millecrabe – 3)

troisième partie d'un roman de Science-Fiction en trois tomes, 2009-2010

chronique par Philippe Paygnard, 2011

par ailleurs :

1948 : la guerre qui oppose les armées de défense européennes aux forces d'invasion chinoises est proche de l'enlisement total. Même si les Européens ne perdent plus de terrain face à la multitude de leurs ennemis chinois, aucun des adversaires ne veut céder le moindre pouce de terrain, même au prix de pertes humaines importantes. Il est grand temps pour le président Edward Merxel de trouver une voie de sortie à un conflit qui s'éternise, qu'elle soit militaire ou diplomatique.

Toujours centré sur les membres du clan Clermont, ce troisième tome de l'uchronie post-napoléonienne de P.J. Hérault invite cependant quelques noms connus à son générique. On entend ainsi parler, sans les croiser cependant, d'un Antoine de Saint-Exupéry disparu avant le début de cette guerre, d'un Alain Finkielkraut qui écrit sur le devoir de mémoire, en 1949 (son année de naissance dans le monde réel), et surtout d'un Wernher von Braun, ingénieur allemand spécialiste des fusées. Ce dernier travaille, avec l'aide de divers collaborateurs réels ou fictifs, à la conception d'une nouvelle arme terrifiante capable de mettre fin à la guerre. Car le thème crucial de ce troisième tome de Millecrabe réside dans une question dont la réponse peut déterminer le sort du conflit en cours : une puissance possédant une arme capable de décimer les armées et les populations ennemies a-t-elle le droit de l'utiliser ? Un problème de taille auquel P.J. Hérault trouve une solution plutôt intéressante.

La fin de la guerre permet également de retrouver les membres du clan Clermont qui ont eu la chance de survivre à ce conflit sans pitié. Tout juste majeurs au début du conflit, ceux qui ont échappé à la mort ont mûri et ont perdu l'insouciance d'une jeunesse dont ils n'ont pas eu le temps de profiter. Chacun d'entre eux va désormais devoir trouver sa voie : rester dans l'armée, se lancer dans un nouveau métier ou reprendre des études. Une chose est sûre, cette guerre est désormais terminée il leur faut oublier la haine, même si, comme le dit si bien Mykola Stoops-Clermont, ils restent tous des convalescents du cœur.

P.J. Hérault offre une conclusion humaniste à sa saga guerrière, une fin qui donne à réfléchir sur l'Humanité. Cependant, force est de constater qu'il manque, du début et jusqu'à la fin de cette trilogie, un point de vue externe qui aurait été bienvenu, celui d'un ressortissant américain par exemple ou bien celui d'un citoyen chinois. Ainsi, on ne sait pas par quel stratagème le chancelier Xian Lo Chu a pu convaincre des millions de Chinois de se lancer dans une guerre sans merci contre l'Europe. Une information qui, sans être indispensable, aurait très certainement apporté un nouveau niveau de réflexion à la lecture de Millecrabe.

Enfin, même si tout au long des plus de neuf cents pages de sa saga guerrière, P.J. Hérault parvient, avec un talent inimitable, à rendre intéressants les combats aériens et les duels de chars, mais il n'oublie jamais de rappeler combien la guerre est cruelle pour les corps comme pour les âmes. Une trilogie qu'il n'est pas inutile de lire dans le monde en crise que nous connaissons.

Philippe Paygnard → Keep Watching the Skies!, nº 69, juin 2011

Lire aussi dans KWS la chronique de la deuxième partie : le Terrible hiver 1947 par Philippe Paygnard

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