KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

Cormac McCarthy : la Route

(the Road, 2006)

roman de Science-Fiction

chronique par Philippe Paygnard, 2010

par ailleurs :

Dans un monde dévasté, au ciel éternellement gris et au sol couvert de cendres, un père et son fils avancent sur la route. Ils ont un but : rejoindre la mer, et ils doivent affronter bien des périls pour l'atteindre. Le froid, la faim et la fatigue font partie de leur quotidien dans un monde où les rencontres avec d'autres survivants sont le plus souvent mortellement dangereuses.

En donnant un visage au père anonyme de la Route, l'adaptation cinématographique en 2009 du roman de Cormac McCarthy offre l'excuse parfaite pour revenir sur ce livre inclassable et fort. Dans le film réalisé par John Hillcoat, le comédien Viggo Mortensen s'empare pleinement de ce personnage de père qui ne vit plus qu'à travers et pour son fils. D'ailleurs, le temps du tournage, l'acteur s'est physiquement et moralement transformé en ce père dont l'unique but est d'amener son fils vers un havre de paix aussi illusoire soit-il dans le monde dévasté qu'ils nous font découvrir durant leur périple. Couvert de vêtements crasseux à souhait, avec un visage volontairement émacié, Mortensen fait totalement oublier le chevaleresque Aragorn qu'il fut le temps de la trilogie du Seigneur des anneaux, non pas pour incarner, mais pour être le père du roman de Cormac McCarthy.

S'il y a des reproches à faire à l'adaptation de Joe Penhall, ils restent mineurs et tiennent aux petites trahisons nécessaires à la transcription de l'écrit vers l'image. Ainsi, la mère, à peine évoquée dans le roman, prend-elle une place plus importante dans le film, empruntant les traits de la comédienne Charlize Theron. Quant à la cause de la catastrophe, qui reste totalement mystérieuse dans le livre, elle devient beaucoup plus explicite dans le film, y compris dans sa bande-annonce. Ces quelques infidélités à la lettre du roman n'empêchent nullement le film de John Hillcoat d'avoir su capturer l'esprit du livre de Cormac McCarthy, respectant la simplicité de la forme et la complexité du fond. Car, à travers son récit postapocalyptique, le romancier dresse un portrait de la société américaine et de ses dérives. Il met en évidence toute la barbarie humaine qui se cache sous une fine pellicule de civilisation.

Pour revenir au roman lui-même, on se doit de souligner l'excellent travail du traducteur François Hirsch, lequel a également officié sur Non, ce pays n'est pas pour le vieil homme,(1) autre chef-d'œuvre de Cormac McCarthy. En effet, Hirsch a osé conserver la forme, notamment l'absence de ponctuation et de chapitrage du romancier américain. Il n'a pas touché à la multiplicité de "et" si courante en anglo-américain, mais beaucoup moins usitée en français, langue qui offre une large palette d'équivalent à cette conjonction de coordination. Ce choix, rébarbatif au premier abord, a l'avantage de conserver l'atmosphère si particulière du texte original, qui colle fort bien à la thématique menaçante de la Route.

L'adaptation cinématographique de la Route (sa sortie en salles en décembre 2009 et en vidéo en 2010) donne une occasion de lire pour certains, et de relire pour d'autres, un livre qui mérite pleinement le Pulitzer de la fiction qu'il a obtenu en 2007.

Philippe Paygnard → Keep Watching the Skies!, nº 65-66, juillet 2010

Lire aussi dans KWS une autre chronique de la Route par Pascal J. Thomas


  1. No country for old men (2005) a également fait l'objet d'une adaptation cinématographique en 2007, sous la houlette des frères Joel et Ethan Coen, avec Tommy Lee Jones, Javier Bardem et Josh Brolin dans les rôles principaux.

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