KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

Thomas Day : Rêves de guerre

roman de Fantasy, 2001

chronique par Philippe Paygnard, 2001

par ailleurs :

N'Kahn Hadessa, maître d'armes de la principauté de Haäsgard, fait un long voyage à travers le pays pour retrouver son fils Faë. Ce dernier possède les capacités nécessaires pour succéder au plus puissant des mages de la principauté, Dalvid N'Monadliath. Cette quête se doit d'aboutir dans les plus brefs délais car les heures du mage sont comptées et les Toxians, rivaux ancestraux des Haäsgardiens, pourraient profiter de la moindre faiblesse pour attaquer.

En suivant, au fil des pages de ce premier roman, un maître d'armes issu des rêves de guerre d'un mage, on est convaincu de se trouver dans un monde de Fantasy. Lorsque ce guerrier se révèle être l'immortelle incarnation de la violence, on est certain de se promener dans l'univers de Thomas Day. Il faut dire qu'avec plus d'une vingtaine de nouvelles publiées dans Bifrost, CyberDreams, Étoiles vives, Yellow submarine et diverses anthologies, Thomas Day s'est forgé une belle réputation de scribe de l'ultra-violence et de porte-voix d'une écriture heavy metal. Avec ces Rêves de guerre, il franchit un pas décisif qui transforme le nouvelliste qu'il était en un véritable romancier.

Et l'on peut réellement parler de transformation car le vaste espace romanesque permet à Thomas Day de prendre son temps. Au gré des chapitres successifs savamment ordonnés, il fait découvrir ce monde complexe placé sous les rayons d'Anta, l'astre solaire. Contrairement à la plupart de ses nouvelles faites de bruits et de fureur, son roman comprend de larges plages de calme et de réflexion, même si, au final, cet univers se révèle particulièrement hostile avec pirates, tempêtes de neige, monstres à l'intelligence redoutable et autres joyeusetés.

À première vue, le héros de Rêves de guerre semble être N'Kahn Hadessa. Son apparence monstrueuse, ses talents de stratège et de guerrier font de lui le héros ultime de Thomas Day, aboutissement de multiples ébauches qui s'appelaient Miyamoto Misashi dans "la Voie du sabre", Johnny Israel dans "Je suis l'Ennemi", Loki dans "Démon aux yeux de lumière" et surtout Paul of Perth dans "une Forêt de cendres". Mais faut-il se fier aux évidences ? Et si le véritable héros de ce roman n'était pas le monstrueux guerrier, mais ce fils qui refuse la fatalité de la guerre. À moins qu'il n'y ait pas de héros dans ce récit, mais une galerie de personnages inquiétants, attachants ou déroutants qui ont pour nom Drex, Lyrhène, Enkeur, Tharflane Allate ou Hellissa-Hia.

La quatrième de couverture décrit Rêves de guerre comme le croisement de l'épopée guerrière et de la tragédie shakespearienne. La référence est flatteuse et grandement justifiée par les relations complexes entre père et fils, mère et fille — ni Hamlet, ni Œdipe ne seraient dépaysés en ces contrées. La même quatrième de couverture présente ce roman comme un hommage à Michael Moorcock. Il faut cependant beaucoup d'imagination pour trouver une quelconque ressemblance entre Elric le Nécromancien et N'Kahn Hadessa le maître d'armes. Par contre, il est certain que Thomas Day, tout comme Moorcock avant lui, reprend bon nombre de clichés de l'heroic fantasy qu'il tourne ou détourne pour faire de son roman le véhicule d'idées plus sérieuses et très contemporaines. On ne peut donc pas parler d'hommage, mais la filiation avec l'œuvre de Moorcock est réelle.

Premier roman, Rêves de guerre est une œuvre entièrement maîtrisée de la part de Thomas Day qui fait ici, s'il en était encore besoin, la preuve de tout son talent. Si la hargne d'écrire et la violence de l'écriture se diluent sous le nombre de pages, Day profite de ce roman pour faire passer quelques messages, qui peuvent peut-être sembler un peu convenus, notamment sur le racisme et sur la guerre. Par ailleurs, en posant les bases d'un univers complet et cohérent, ce récit porte tout naturellement en lui les germes d'une suite qui, sans être totalement indispensable, permettrait d'en savoir plus sur la cruelle princesse N'Ki. Mais surtout, après un tel livre, on ne peut qu'attendre avec impatience le deuxième roman de Thomas Day et pourquoi pas celui qu'il a co-écrit avec Ugo Bellagamba et qui est annoncé depuis quelque temps déjà.

Philippe Paygnard → Keep Watching the Skies!, nº 40, septembre 2001

Commentaires

Ajouter un commentaire

Les commentaires sont publiés après validation par Quarante-Deux.