KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

Francis Valéry : les Sources du Nil

roman fantastique, 2000

chronique par Philippe Paygnard, 2001

par ailleurs :

Écrivain pour enfants et auteur de trois romans consacrés au Petit Peuple, Paul Winkler est de passage à Londres pour une série de rencontres avec son jeune public. Quoique cela ne l'enchante guère, il doit également subir une séance d'interview avec Brenda Mahony, critique littéraire du London weekly. Tout irait donc pour le mieux dans le meilleur des mondes, si la vénérable cité d'Albion ne connaissait, le temps de son séjour, une série de morts violentes qui ont un rapport avec l'enfance africaine de Paul.

Ainsi résumé, il paraît évident que le nouveau roman de Francis Valéry, les Sources du Nil, participe totalement à la fusion des genres dont l'auteur est un ardent défenseur. Même s'il est clairement étiqueté Fantastique par l'éditeur, ce récit apparaît comme un mélange de plusieurs genres littéraires. L'Espionnage est ainsi très présent au travers de Philip McPherson, digne représentant des services secrets de sa Majesté, plus proche d'un George Smiley que d'un James Bond. À travers son enquête méticuleuse sur des crimes qui semblent pourtant sortir de son champ de compétence, l'inspecteur Thomas Ackerman de Scotland Yard apporte la touche de polar à ce récit. Quant à la République de Zangania, située au cœur de l'Afrique, non loin des véritables sources du Nil, il est certain qu'elle renvoie à la plus pure politique-fiction, mêlant habilement les réels conflits ethniques et politiques de cette région à des personnages de pure fiction comme le dictateur Oussombo et son adversaire politique N'Gano. Enfin, le poids des souvenirs — et leur influence sur ce que vit Paul Winkler — est le ressort régulier d'intrigues de littérature générale.

Cependant, en débutant son récit par le meurtre, en pleine ville, d'un ambassadeur africain massacré par des animaux sauvages, Francis Valéry place presque aussitôt le lecteur en position d'attente d'autres événements fantastiques. Il est en effet peu courant qu'un rhinocéros, un lion et un crocodile s'échappent ensemble d'un zoo, aussi mal gardé soit-il. La fusion des genres se fait donc ici autour d'un axe fantastique que le romancier se plaît à explorer en entraînant le lecteur dans son sillage et dans celui de Paul Winkler.

Même s'il fait là sa première apparition littéraire, ce personnage n'est pas sans rappeler certains des héros passés de Francis Valéry. Au-delà du simple cliché qui consisterait à dire qu'il est écrivain comme Howard et Henry, Paul Winkler est très proche d'un Paul Sinclair/Salomon Bernstein qui fit les beaux jours de l'agence Arkham en d'autres temps et d'autres lieux. Comme Bernstein, Winkler ne révèle que lentement les secrets de son passé et les mystères de son enfance africaine.

En effet, bien qu'entièrement située au Royaume-Uni et pour l'essentiel dans la capitale britannique, l'action des Sources du Nil trouve ses origines en Afrique. On pourrait bien évidemment faire un parallèle avec le précédent ouvrage de Francis Valéry, la Cité entre les mondes [ 1 ] [ 2 ] [ 3 ], qui nous avait déjà conduits sur le continent africain. Cependant, outre le fait que l'auteur avait situé une bonne partie de l'action de ce livre en Afrique, il s'agissait cette fois-là d'une Afrique de pure Fantasy dans un univers steampunk. L'Afrique des Sources du Nil, même si elle est éminemment fictive, fait appel à une réalité existante et bien connue grâce aux journaux télévisés. Tout comme l'Afrique de Mike Resnick,(1) celle de Francis Valéry a une base de réalité tangible. Et, comme l'histoire africaine recèle encore bien des mystères, ces deux auteurs en profitent pour conter des légendes inconnues, réelles ou imaginaires, qui entraînent le lecteur encore plus loin que les montagnes de la Lune.

Habilement mené par Francis Valéry, le récit est suffisamment prenant pour qu'on lise les Sources du Nil d'une seule traite. On en vient alors tout naturellement à regretter que ce livre ne fasse que cent soixante pages et l'on quitte un peu trop vite Paul Winkler et ses compagnons de route. Une suite s'impose.

Philippe Paygnard → Keep Watching the Skies!, nº 39, juin 2001

Lire aussi dans KWS une autre chronique de : les Sources du Nil par Pascal J. Thomas


  1. Voir par exemple l'Infernale comédie, Ivoire ou Markham ou la Dévoration [ 1 ] [ 2 ].

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