Carnet d'Ellen Herzfeld, catégorie Lectures

Nancy Kress : Oaths and miracles

roman de Science-Fiction inédit en français, 1996

Ellen Herzfeld, billet du 25 septembre 2005

par ailleurs :
 

Le techno-thriller à thème un peu SF est un genre certes populaire mais qui, en principe, ne m'intéresse que très peu. Cependant, j'ai mes “chouchous”, c'est-à-dire des auteurs dont je lis quasiment tout, et Nancy Kress en fait partie. J'ai donc lu Oaths and miracles, thriller non traduit en français à ce jour. Comme d'habitude chez cet auteur, il y a une intrigue qui tient la route, des personnages crédibles, humains, attachants, une écriture limpide.

On suit parallèlement plusieurs personnages d'horizons très différents. Une danseuse de cabaret à Las Vegas est assassinée devant sa copine et collègue qui, terrorisée, abandonne le métier et retourne chez ses parents pour reprendre ses études. Ben Kozinski, chercheur en génétique très en vue, se voit proposé un poste dans le privé où il sera très bien payé… et se retrouve à la morgue. Son épouse, Judy, est anéantie mais c'est une femme de caractère et, après un passage à vide — où on rencontre son père, homme de science et de religion —, elle est bien décidée à comprendre le pourquoi du meurtre de son mari, dont elle était très amoureuse malgré son arrogance et son infidélité. Wendell Botts, ancient soldat, ancien alcoolique, ancien membre d'une secte religieuse qui pratique des sacrifices rituels d'animaux et refuse une grande partie de la technologie moderne, est obsédé par l'idée de récupérer sa femme et ses enfants qui vivent toujours dans le camp isolé et retranché de la secte. Et enfin, l'agent Cavanaugh, petit nouveau au FBI qui rêve d'avoir une véritable “affaire” à lui.(1) En arrière-plan, mais présente en permanence, la mafia qui semble avoir infiltré toute la société américaine, sinon toute la société occidentale. Cavanaugh pense avoir trouvé un lien entre une entreprise de biotechnologie et la mafia mais, chaque fois qu'il croit avoir un petit début de quelque chose qui permettrait de traduire certains membres de la “famille” en justice, ce petit quelque chose, souvent un témoin, est supprimé.

Les chemins de tous ces gens convergent progressivement vers le dénouement final. En cours de route, on découvre des milieux très divers, des visions du monde variées. Le seul élément “science-fictif” est la nature de la découverte biotechnologique qui intéresse tant la mafia. Comme souvent chez Kress, elle étudie la question sur plusieurs plans, et surtout évoque les implications socio-politiques de cette découverte. Et ce n'est jamais tout blanc ou tout noir.

Les trois quarts du livre (qui fait trois cents pages, ce qui est peu) se passent à suivre dans le détail les divers personnages, qui ont tous des personnalités complexes assorties de tous les ingrédients nécessaires, qualités, défauts, manies, bizarreries, folies… Puis dans le dernier quart, tout se précipite. L'action des policiers, qui sont pourtant très pro, s'avère quasi inopérante face à l'extrême efficacité de la pègre qui, elle, n'est encombrée ni de scrupules ni de l'obligation de respecter les lois. C'est l'intervention imprévisible et individuelle de personnes qui auraient très bien pu ne rien faire qui permet une fin finalement positive. Les derniers chapitres passent rapidement sur une bonne partie des événements “policiers” pourtant cruciaux au dénouement, mais qui apparemment n'intéressent pas vraiment l'auteur. Car même là, c'est l'étude de caractère et l'analyse sociale qui reste au premier plan. J'ai donc eu l'impression que la vraie histoire n'était pas dans l'intrigue policière, et que, bien que ce soit indiscutablement un “techno-thriller” orienté vers un large public, ce livre reste tout à fait dans la lignée des autres textes de l'auteur, de ses textes de “vraie” SF.


  1. Les aventures de Robert Cavanaugh se poursuivent dans Stinger (1998).

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