Carnet d'Ellen Herzfeld, catégorie Lectures

Kage Baker : Mendoza in Hollywood

roman de Science-Fiction inédit en français, 2000

Ellen Herzfeld, billet du 4 août 2007

par ailleurs :
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Voici donc le troisième volume de the Company après In the garden of Iden et Sky Coyote. Je vois tout de suite un problème avec ce genre d'entreprise. Si on lit chaque roman d'une telle série lors de sa parution, ça fait un livre par an, parfois même un tous les deux ou trois ans seulement. Alors qu'en fait c'est une seule histoire, avec certes des méandres mais une intrigue centrale unique, néanmoins. Si je sais d'avance qu'il s'agit d'une série, j'attends d'avoir tous les volumes avant de commencer afin de pouvoir les lire à la suite sans interruption. Pour celle-ci, comme je ne m'y suis intéressée qu'à la parution du cinquième ou sixième, j'ai pu les acheter presque tous en même temps. Parfois, chaque roman ne tient pas trop mal la route tout seul, même si on y perd toujours un peu de ne pas avoir l'entier contexte. Mais j'ai l'impression que, pour ce cas particulier, ça fait une sérieuse différence. Par curiosité, j'ai parcouru quelques critiques de Mendoza in Hollywood rédigées en 2000 ou 2001 lors de sa publication.(1) Quand les rédacteurs n'avaient lu qu'un seul des deux premiers, ou pire aucun, les avis, tout en étant plutôt favorables, étaient mitigés quand même. Évidemment. Ce n'est finalement qu'un chapitre dans un grand tout et le lire autrement est bien dommage. L'autre problème est celui de la traduction. Si les deux premiers ont trouvé preneur, à partir du troisième c'est fini. La collection n'existe plus et aucun autre éditeur ne s'y est intéressé. Il faut dire que, dans le cas présent, c'est mieux pour les lecteurs d'avoir été lachés à la fin du deuxième. Il y a quand même une fin relativement satisfaisante, sur le plan romanesque s'entend.

Mais revenons-en à notre histoire qui continue donc. Comme pour le premier, c'est Mendoza la botaniste qui raconte, sous la forme d'une transcription de son témoignage à propos des circonstances qui l'ont amenée à tuer sept personnes. Après être restée plus de cent cinquante ans plus ou moins toute seule dans la nature, ce qui lui convenait très bien, la voilà de nouveau avec une mission parmi les mortels. Cela se passe en Californie, près de Los Angeles, à l'endroit qui sera, dans quelques dizaines d'années, Hollywood. Mais en 1862, ce n'est pas encore grand-chose : quelques villages reliés par des chemins sur lesquels passent des diligences. Mendoza et ses acolytes cyborgs sont installés dans une auberge de relais. Il y a Porfirio, chargé de la sécurité et des questions techniques ; Einar, zoologiste et grand amateur de cinéma muet ; Oscar, anthropologue, mais aussi vendeur ambulant, rôle qui l'aide à avoir des contacts avec les habitants pour ses études ; Imarte, anthropologue également, qu'on a déjà rencontrée précédemment, et qui joue la prostituée pour entrer dans la confidence de ses clients ; Juan Bautista, ornithologue de dix-sept ans pour qui c'est la première mission. On apprend comment ils vivent, les problèmes qu'ils rencontrent, du fait de la violence ordinaire et quotidienne qui est la règle parmi les habitants du lieu (tout le monde est armé et on tire pour un oui ou pour un non), mais aussi du fait du climat, tantôt des pluies torrentielles et des inondations, ensuite une sécheresse qui aboutit à ce que Mendoza n'ait plus grand-chose de botanique à étudier. On voit aussi comment ils s'amusent, par exemple en regardant des films du début du xxe siècle, ce qui m'a obligée à me documenter sur le sujet — rien de plus facile avec Wikipedia — pour comprendre quelque chose. Pendant ce temps, dans d'autres parties du pays, c'est la guerre civile, et, sur place, il se trame des conspirations diverses, dont une pour permettre aux Britanniques de reprendre la Californie.

Quelques épisodes s'insèrent dans l'histoire plus globale de la Compagnie. Un incident en particulier ouvre de nouvelles perspectives et pose de nouvelles questions sur ce monde. Mendoza et Einar partent en exploration dans une zone réputée “étrange”. Et, effectivement, un événement censé être impossible se produit : avec leurs chevaux, ils se trouvent propulsés dans l'avenir, en 1996 plus précisément, où ils sont promptement récupérés par les cyborgs locaux et renvoyés à leur temps d'origine. Un autre épisode concerne Porfirio qui, contrairement à toutes les règles de la Compagnie, a gardé des liens avec sa vraie famille biologique, qu'il protège tant bien que mal à travers les siècles. Enfin, dans la dernière partie du livre on apprend ce qui a provoqué la tragédie pour laquelle Mendoza se trouve manifestement en jugement : alors que toute la flore a succombé à la sécheresse et qu'elle s'ennuie sérieusement, alors que ses collègues sont partis s'occuper de leurs affaires chacun de leur côté, voici qu'un homme arrive à l'auberge où elle est seule. Et cet homme est le sosie parfait — physiquement et psychologiquement — de son amoureux du xvie siècle qu'elle n'a jamais oublié. De nouveau sous le charme, elle laisse tout tomber pour le suivre dans une aventure mystérieuse, faite d'espions et de traîtres, et qui, on s'en doute, se terminera fort mal.

C'est donc une grande fresque qui se déroule très lentement — on n'en voit qu'un petit bout par livre — à propos de la Compagnie elle-même, ses origines, ses objectifs et ses motivations, avoués et cachés. C'est aussi la vie quotidienne à travers les âges de quelques protagonistes qu'on suit, parfois de près, parfois de loin, mais qui sont tous fort bien campés et intéressants. Le tout enveloppé dans la prose bien enlevée de l'auteur qui, au passage, nous fait part de son opinion — peu flatteuse — sur les hommes mortels et leurs agissements.

Je passe au chapitre — je veux dire au roman — suivant : the Graveyard game.

Ellen Herzfeld → samedi 4 août 2007, 13:11, catégorie Lectures


  1. Cherchez aussi ce qu'on dit d'At the edge of the West, la variante de titre de l'édition britannique.

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