Mike Resnick : l'Avant-poste
(the Outpost, 2001)
roman de Science-Fiction
- par ailleurs :
S'il est un auteur politiquement incorrect, Mike Resnick est en même temps un pur yankee, amateur de baseball, de bagarres et de parties de poker, d'hypertrophie mammaire, d'histoires de western et d'escrocs fabuleux. Nourri au lait d'O. Henry, il porte en lui cet humour décalé, cette invention débridée qui donne le meilleur de la Science-Fiction chez Vance ou Sheckley [ 1 ] [ 2 ]. Son cycle de Kirinyaga et en général ses romans sur l'Afrique m'avaient détourné de sa production récente. Car sa méconnaissance instinctive du continent noir (malgré de fréquents séjours), passée à la moulinette d'une philosophie de bazar et d'un humanisme bon marché typiquement américain m'en avait dissuadé.
Retour à ses propres sources, cette fois, avec l'Avant-poste, époustouflante galéjade galactique, bien dans la ligne de Projet miracle qui reste à ce jour son œuvre la plus aboutie.
Les amateurs d'extraterrestres fuligineux, de héros bravaches, de créatures voluptueuses ou cruelles, de paris insensés, de vaisseaux interplanétaires à l'esprit tordu, de faits d'armes quantiques et de paradoxes spatio-temporels ne seront pas déçus de se retrouver à l'Avant-poste. Il s'agit d'un endroit pas facile à trouver, un comptoir sur les franges de la Monarchie, ou viennent s'asseoir les héros familiers du folklore de la SF, pour livrer leurs confidences à Willie le barde, à Einstein, le sourd-muet aveugle prodige de l'ordinateur et à Tomahawk, le patron du bar.
Plutôt qu'une série de contes à la Vatek où les histoires s'emboîtent les unes dans les autres, il s'agit d'une enfilade de récits comme dans les Mille et une nuits, contés par une suite de personnages baroques que ne dénierait pas Schéhérazade. C'est l'Orient vu sous l'angle d'une mythologie cosmique, à laquelle la traduction de Jean-Marc Chambon confère un accent tonique. La guerre interplanétaire approche du Comptoir. Les héros ne sont pas avares de confidences en attendant la grande confrontation. L'Avant-poste se voudrait une déclinaison en trois parties qui mettrait les événements en perspective, afin de dissocier la légende des faits et de l'histoire. Trop léger pour réussir une telle performance, Mike Resnick s'abandonne à son talent naturel pour l'invention, la fable, les paradoxes. Il y a à boire et à manger dans ce roman tiroir, surtout à boire, tant les personnages issus d'une longue lignée de piliers de bar ont la confidence rocambolesque. Que ce soit à travers des histoires salaces entre représentants de races difficilement compatibles, paris sur l'impossible, pirouettes ludiques, surprenants dialogues à propos de Dieu — qui des extraterrestres au physique improbable ou des Humains sont faits à Son image ? —, Resnick excelle dans l'improvisation, la dérision. Le meilleur, peut-être, tient dans ces allusions corrosives sur notre monde contemporain qui, à travers la lorgnette des millénaires, font naître des quiproquos pataphysiques.