KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

Chantal Pelletier : Nos derniers festins

roman de Science-Fiction, 2019

chronique par Noé Gaillard, 2019

par ailleurs :

Petite anecdote personnelle concernant ce livre : chaque année, je fais un court séjour à Avignon au temps du Festival ; cette année, j'y ai découvert une boulangerie utopiste — c'est elle qui le dit — qui s'intitule Bella Ciao et qui dispose d'un coin où l'on peut déposer des livres. C'est là que j'ai trouvé celui dont il est question ici. Il m'a tapé dans l'œil et la première chose que j'en ai lue est « Juin 2044, quelque part en Provence… » ; comment ne pas succomber à la tentation ?

Le contenu est pour moi à la hauteur des promesses érotisé-sado-maso de la couverture et nous sommes bien dans de la Science-Fiction. De celle, insidieuse, dont on sent que sa réalité tient à très peu de choses.

Imaginez une Provence où les températures sous abri sont de l'ordre de 42° et plus, où l'agro-alimentaire et l'élevage industriel le disputent au bio, où les restaurants qui vous accueillent sont contraints avant de vous servir de vérifier ce que vous pouvez manger. Car on ne peut manger sans son permis de table et son bilan Sécu. Parce qu'il va de soi que si vous souffrez d'un diabète, par exemple, il est hors de question que vous preniez un plaisir malsain à dévorer du sucre, sous prétexte de Sécurité sociale. Nous sommes dans un temps où les soins relèvent de votre responsabilité : on ne soignera pas votre cancer du poumon si vous continuez à fumer. Ajoutez des manifestations très violentes opposant végans — étrange, ce mot qui à mes yeux, je ne dois pas être le seul, évoque avec majuscule de lointains extraterrestres du côté de chez Van Vogt — et défenseurs des animaux à ceux qui aiment le foie gras et le gibier… Et bien sûr, les brigades de surveillance de l'alimentaire et les gendarmes font la chasse aux trafiquants de foie gras venus de l'Est. Un petit îlot de verdure “saine” résiste — ou croit le faire — aux pressions des fabricants et marchands de tourisme de luxe. Et des morts se succèdent autour de Lou, une bien sympathique “bonne femme” revenue de prison, d'Afghanistan et de bien d'autres galères. Un jeune flic envoyé en Provence et ne supportant ni sa cheffe ni les fruits et les légumes, va avec sa truculente et sensuelle supérieure découvrir bien des choses sur les vivants et les morts avant qu'un problème de migrant-clandestin ne vienne tout régler.

N'allez pas croire surtout que je vous ai tout dit. J'ai découvert le “style” Pelletier avec More is less (aussi en "Série noire"), et chaque fois j'apprécie ses appréciations, ses descriptions à l'emporte-pièce. Celles qui, après une explication, une présentation simple, s'achèvent sur une ou deux tournures de phrase qui remettent en cause ce qui précède… Sur le sujet traité ici, cela fait merveille.

Noé Gaillard → Keep Watching the Skies!, nº 85, août 2019

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