KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

Michel Pagel : le Club

roman fantastique, 2016

chronique par Noé Gaillard, 2019

par ailleurs :
 

Je ne sais plus qui nous a annoncé que les héros ne mouraient jamais, tout comme j'ai oublié qui recommande de tuer — au moins symboliquement — le père. Mais il me semble qu'une fois cette dernière action accomplie, on se sent beaucoup mieux. Petite parenthèse : tuer le père peut consister pour certains à redonner vie et aventures au héros imaginé par ce père (Holmes et Morane en savent quelque chose).

Pardon pour cette longue introduction qui se poursuit par un examen de la couverture du livre dont il est question : le titre s'inscrit dans un fragment du drapeau de l'Angleterre et montre quatre silhouettes juvéniles qui ont pour pendant dans une partie du drapeau français quatre silhouettes adultes qu'accompagne la phrase suivante : « 30 ans après, ils se retrouvent une dernière fois. ». Je supposerai que, même si vous n'avez jamais lu le récit d'une de leurs aventures, vous avez deviné qu'il s'agit du Club des Cinq (de la ô combien prolifique Enid Blyton). On appréciera le fait que les coins droits de la couverture donnent une idée d'usage et qu'en page intérieure les silhouettes des cinq membres du groupe soient proposées…

Qui n'a lu au moins une de leurs aventures ? Qui n'a pas vibré à suivre leurs exploits d'enfants bien élevés dont les désobéissances, les audaces étaient récompensées ? Puis oublié dans une cave, un coin de grenier ou chez un bouquiniste ces livres dont on ne pense pas qu'ils puissent plaire aux lecteurs d'aujourd'hui. Michel Pagel s'est posé deux questions — à la manière de Patrick Bruel qui donne rendez-vous. Que sont devenus les membres du Club en devenant adultes, s'ils le sont devenus ? Quel sort cet avenir leur a-t-il réservé ? Le fait de s'intéresser à François, Claude, Mick et Annie pose une question subsidiaire : que pouvaient-ils être, et où, quand ils ne se retrouvaient pas pour les vacances ?

On peut penser qu'ils vivaient en Angleterre, où écrivait celle qui leur avait donné vie.

Claude a invité les trois autres à passer Noël chez elle… et il va se produire de drôles de choses. François — pardon, le commissaire François Gauthier — est arrivé le premier. Et nous allons découvrir quatre adultes prisonniers de leur rôle. Claude a suivi son côté garçon mais rêve régulièrement d'un château en Angleterre. Mais son pays de rêve s'apparente au “Neverland” de Peter. Ici, c'est la mort qui attend les héros. François l'a bien compris qui veut que la dichotomie cesse et que tous restent le club.

Michel Pagel, on le sent, se fait plaisir à s'extirper le club des souvenirs. Et ce plaisir nous permet d'accepter ce que l'on pourrait prendre pour un sacrilège, voir l'introduction. Il nous replonge dans nos souvenirs pour mieux nous aider à passer outre et à jeter un regard lucide et bienveillant sur ce club et sur nous-mêmes. Regardez bien, le dernier chapitre du livre est numéroté “premier”.

Noé Gaillard → Keep Watching the Skies!, nº 84, avril 2019

Lire aussi dans KWS une autre chronique de : le Club par Pascal J. Thomas

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