KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

Jean Teulé : Entrez dans la danse

roman d'Horreur, 2018

chronique par Éric Vial, 2018

par ailleurs :
 

Est-ce que cela relève de ce qui nous intéresse ici, ou qui nous intéresse marginalement ? Du Fantastique, par exemple ? Il y a en tout cas de l'Horreur, et de l'inexpliqué. Au départ, quelque chose de très ordinaire autrefois sous nos climats, et qui continue sous d'autres : une famine, liée aux aléas climatiques, à la sécheresse, à Strasbourg à l'été 1518. Avec ses effets concrets dès les premières pages, façon coup de poing dans l'estomac, sur deux couples que l'on va retrouver ensuite : infanticide faute de pouvoir nourrir l'enfant d'un côté, cannibalisme après infanticide d'un autre, et ce n'est qu'un avant-goût, si on ose dire. Il est vrai que la couverture, deux squelettes pourvus d'encore quelques cheveux, exécutant une danse macabre, a annoncé la couleur. La danse, justement, s'y ajoute, réaction soudaine, inexpliquée, contagieuse, élément qui relèverait du Fantastique s'il n'était historiquement tout à fait attesté — ce qui exclut le présent récit de la définition de Tzvetan Todorov —, mouvement collectif qui emporte la raison. Face à cela, les autorités civiles essaient un moment de canaliser le mouvement par la musique, les autorités religieuses sont bien plus expéditives — il faut dire que ces dernières, assez conformément à leur état du début du xvie siècle, se montrent parfaitement répugnantes, méprisantes, avides, aux antipodes de toute charité, prêtes au massacre et au mensonge — au moment où elles sont menacées dans leur pouvoir et leurs richesses par les idées d'un certain Martin Luther. Le tout raconté dans une langue où l'argot et les anachronismes créent des altérités paradoxales, renforcent les distances et l'étrangeté : que « le clergé se marre » ou qu'il soit question avec une ironie grinçante de « flash mob » ou d'« ambiance night clubbing », et réussissent tout à la fois à aggraver la violence des situations et à susciter de brefs soulagements… Au total, les amateurs de Fantastique, peut-être de Fantasy, en tout cas d'Horreur ou de gore (même si ce dernier genre semble s'être largement dissous dans le jeu vidéo) y trouveront sans doute leur compte.

Éric Vial → Keep Watching the Skies!, nº 83, novembre 2018

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