KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

M.R. Carey : Celle qui a tous les dons

(the Girl with all the gifts, 2014)

roman de Science-Fiction

chronique par Philippe Paygnard, 2018

par ailleurs :

Melanie n'est pas une petite fille comme les autres. Elle n'a qu'une dizaine d'années et elle est enfermée dans une cellule. Chaque matin, des gardes armés la sortent de sa geôle pour assister, avec d'autres enfants comme elles, à des cours dispensés par plusieurs enseignants, dont madame Justineau qui parfois leur raconte des histoires comme celle de la boîte de Pandore.

Publié dans la foulée par l'Atalante,(1) ce roman de 2014 du Britannique M.R. Carey(2) est une nouvelle version de l'invasion zombie. Cette fois, ce n'est pas une malédiction divine, un virus ou le passage d'une météorite qui change les Hommes en créatures cannibales, les affams (ungries en V.O. et voraces dans la version cinéma), mais une variante mutante du champignon ophiocordysceps unilateralis qui prend le contrôle du cerveau. On peut noter au passage que les spores de tous poils semblent avoir la cote puisqu'elles étaient déjà à l'origine de la fin du monde de l'Homme-feu de Joe Hill (2016). Pourtant, ce redoutable agent pathogène se transforme en symbiote avec la seconde génération d'affams à laquelle appartient Melanie. Cette étrange harmonie permet aux enfants de conserver l'intelligence et le langage qui font défaut aux affams, mais qui ne les libère pas de l'envie de chair humaine.

Le petit plus de ce roman de zombies par rapport à beaucoup d'autres, c'est qu'il a été écrit en parallèle avec son adaptation cinématographique par M.R. Carey en personne. Mis en scène par Colm McCarthy, réalisateur d'épisodes de séries télévisées telles que Doctor Who, Sherlock ou Black mirror, the Girl with all the gifts (devenu the Last girl en version française) est sorti en salles en 2017.

Parmi les différences cosmétiques entre le livre et le film, on peut lister la couleur de peau de certains personnages. Ainsi, la Melanie au teint pâle du roman est interprétée par la jeune et impressionnante Sennia Nanua, tandis que la madame Justineau de papier à la peau d'ébène est incarnée à l'écran par Gemma Aterton. Quant au soldat Kieran Gallagher, décrit comme un rouquin à peine sorti de l'adolescence, il troque ses taches de rousseur et son poil de carotte pour la peau noire de Fisayo Akinade sans que cela ne change rien à son triste destin de victime expiatoire.

La variation la plus sensible entre les deux versions réside dans la non-intervention dans l'adaptation cinématographique des autres survivants humains surnommés les cureurs. Refusant ou étant exclus des ultimes enclaves civilisées, ces survivalistes utilisent les affams comme des armes vivantes pour attaquer la base où est enfermée Melanie. En faisant disparaître cette sous-intrigue, le film gagne en fluidité là où le roman nous fait entrapercevoir la complexité d'une société dévastée par l'ophiocordysceps unilateralis mutant.

Avec Celle qui a tous les dons, M.R. Carey offre à lire une intéressante variation sur le thème des zombies. Il nous fait vivre une fin du monde qui n'est pas la fin de tout, car l'espoir de l'Humanité réside dans les enfants et celle qui a tous les dons.

Philippe Paygnard → Keep Watching the Skies!, nº 83, novembre 2018


  1. Dans une traduction de Nathalie Mège.

  2. M.R. Carey, sous la signature Mike Carey, est également un auteur de comic books reconnu. Il a ainsi écrit pour les plus grands éditeurs américains : DC Comics/Vertigo (the Unwritten), Marvel (Thor: Wolves of the north), IDW Entertainment (the Highest house).

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