KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

Claude Ecken : les Souterrains du temps

roman de Science-Fiction, 2017

chronique par Pascal J. Thomas, 2018

par ailleurs :

Alain est physicien ; il passe sa vie à traquer les secrets de la structure de la matière. Quand il quitte son domicile nantais pour un séjour au laboratoire de Brookhaven, sur Long Island, ce ne sont certes pas les séductions gastronomiques du lieu qui le font sauter de joie, ni même la proximité de New York, mais les collègues scientifiques et les installations à la pointe de la recherche. Un ami lui confie l'innocente mission de faire passer de vieilles revues scientifiques à une connaissance commune, l'improbablement nommé Jeffrey Weirdlight. Petit problème : il n'est trouvable ni au labo ni à la maison. On s'en doute : quand on parle d'un physicien qui travaillait sur des théories discréditées mais étonnantes de la nature de l'espace et du temps, sa disparition n'a rien d'anodin.

On sait Claude Ecken maniaque de la documentation, et il ne fait pas ici mentir sa réputation : abondants extraits de vulgarisation de physique, description minutieuse des lieux visités… J'en viens même à me demander si l'auteur ne se moque pas subtilement de lui-même en décrivant ainsi un personnage secondaire de son intrigue : « La présence de Lionel nous garantissait la lecture fidèle et un rien assommante de son indispensable complément de voyage » (p. 53 de l'édition au Somnium). Effectivement, on se demande un temps, grosso modo arrivé au quart du récit, si le poids de la documentation ne va pas faire basculer la lecture dans l'ennui. Heureusement, un embryon d'enquête policière, certes peu vraisemblable de par l'audace qu'elle suppose chez le protagoniste, nous ramène sur le droit chemin de l'irréalisme scientifictif.

Ecken réussit à fusionner théories complotistes antimilitaristes et paranormales avec des hypothèses pseudoscientifiques brillamment élaborées. Le scepticisme du lecteur fait place à l'émerveillement, teinté par la dénonciation des logiques de peur et d'indignation contre le comportement de l'armée, qui ne perdra jamais l'habitude d'utiliser la connaissance à des fins mortifères.

Au total, un retournement final qui justifie tous les travaux d'approche, un piège amoureusement tendu, et beaucoup de culture scientifique : un roman court et réussi. Espérons qu'il aura la diffusion qu'il mérite.

Pascal J. Thomas → Keep Watching the Skies!, nº 82, mai 2018

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