KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

Robert Mayer : Supernormal

(Superfolks, 1977)

roman de Science-Fiction

chronique par Philippe Paygnard, 2018

par ailleurs :

Avant de s'installer dans cette coquette maison de banlieue, avant de commencer à perdre ses cheveux, avant de se retrouver avec un petit ventre rond, qui rivalise avec celui de son épouse enceinte jusqu'aux yeux de leur troisième enfant, David Brinkley était l'un des deux journalistes vedettes du plus grand quotidien de New York. Aujourd'hui, alors que la ville est en faillite et sombre dans le chaos depuis la démission massive des membres de la police, son rédacteur en chef l'appelle pour lui demander s'il a des nouvelles d'une connaissance commune, Indigo, le super-héros porté disparu depuis huit ans.

Supernormal est un bien étrange roman qui joue avec les codes des bandes dessinées de super-héros comme l'ont fait les maîtres-scénaristes que sont Alan Moore (Watchmen), Grant Morrison (the Invisibles), Garth Ennis (the Boys), Mark Millar (Kick-Ass), Kurt Busiek (Astro City) et quelques autres dans leurs comic books. Mais la référence à ces BD parues depuis les années 80 est à revoir lorsque l'on apprend que le livre de Robert Mayer a été publié en 1977, donc bien avant la parution de ces comics. S'il y a influence, c'est donc le roman qui a déteint sur les BD et non l'inverse. C'est d'ailleurs ce que confirment Grant Morrison et Kurt Busiek dans leurs textes préliminaires.

Robert Mayer nous invite ainsi à découvrir un super-héros (visiblement inspiré par Superman) vieillissant dont les super-pouvoirs se font la malle, mais qui se trouve contraint de mettre de côté sa famille humaine et son boulot de grand reporter pour reprendre du service afin de sauver la ville de New York. En effet, tous les autres super-héros sont morts ou ont pris leur retraite, même le Capitaine Mantra (Captain Marvel, version DC Comics) refuse de quitter le sanatorium où le grand âge et la mort prématurée de sa sœur Mary (Mary Marvel) l'ont conduit. Mayer nous décrit un super-héros qui se souvient de son passé flamboyant, depuis qu'il est arrivé de la planète Cronk (Krypton), mais aussi de ses déboires amoureux et sexuels avec sa consœur journaliste Peggy Poole (Lois Lane).

Comme on le voit, pour les fans de super-héros, la lecture de Supernormal a donc un aspect documentaire et presque historique en tant que source d'inspiration reconnue ou non de plusieurs scénaristes anglo-saxons. À cela s'ajoute le jeu des références auquel se livre Robert Mayer dans les quelque trois cent quatre-vingts pages de Supernormal. L'action du roman se situant dans une Amérique post-Watergate dystopique, le romancier mêle allègrement éléments d'actualité, héros de fiction et pure fantaisie pour créer le monde où David Brinkley (Clark Kent) peut affronter un elfe extraterrestre nommé Pxyzsyzygy (Mr. Mxyztplk) ou le super-vilain ultime Demoniac (Black Adam) et recevoir l'aide d'un Peter Pan gay sous acide.

Supernormal est donc une intéressante découverte, même si le mélange des genres (aventure super-héroïque, complot, pastiche) peut surprendre au premier abord et que la lecture du livre peut être rendue compliquée par les plus de deux cents notes qui explicitent chaque référence.

Philippe Paygnard → Keep Watching the Skies!, nº 82, mai 2018

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