Pierre Bordage ; Laurent Genefort ; Laurent Whale : Crimes, aliens et châtiments
trois récits de Science-Fiction policière, 2017
Les aliens sont arrivés. En masse. Et le monde a changé. Pas trop. Enfin, si, une chose importante : tous les auteurs de SF se sont retrouvés au chômage. Contraints à recycler leurs talents pour l'analyse des sentiments humains et la construction des intrigues dans la profession méprisée de détective privé, spécialisation : affaires concernant les extraterrestres…
Si j'ai classé les trois auteurs de ce recueil par ordre alphabétique, le point de départ ci-dessus est dû à Genefort, qui l'utilise dans son récit "Jennifer a disparu".(1) Jennifer est un arshule, de sexe masculin, précisons-le, et son épouse Patou vient consulter monsieur Laurent G***, détective privé, parce qu'il est réputé. Et surtout, bon marché. On découvre bien vite qu'une secte d'humains revanchards s'en prend aux aliens…
La même trame se retrouve dans le récit de Bordage, "Où es-tu, mon Choo ?", à ceci près que cette fois-ci le couple est formé d'une humaine et d'un extraterrestre — circonstance aggravante pour le groupe clandestin aliénophobe qui est derrière l'enlèvement. Dans "l'Affaire du FBG" de Whale, l'enjeu de l'enlèvement est quelque peu plus cosmique, l'alien manquant d'une nature radicalement surprenante, mais le point de départ est essentiellement le même.
C'est sans doute le point faible de ce recueil : la volonté de travailler dans un même cadre général a conduit à un parallélisme qui frise le répétitif. Chaque auteur se met lui-même en scène, ou du moins fait narrer un détective portant son propre nom, sans toutefois sembler beaucoup puiser dans sa propre personne pour individualiser le personnage. Et ces personnages sont des détectives lamentables, courant après le client pour payer le loyer de leur bureau minable, à la traîne dans leurs déductions et sans cesse surclassés dans l'action. Le parti-pris est évidemment de parodier le roman noir, et ses codes sont abondamment réutilisés. Et l'auto-dérision fait le reste, d'où des enquêteurs qui nous révèlent la vérité au gré des coups de chance dont ils bénéficieront, heureusement. On rit de bon cœur, on relève dans chaque cas des détails bien trouvés, mais on se dit qu'il ne valait peut-être pas la peine d'écrire autant de pages, et que le talent indéniable des trois auteurs a eu été mieux employé.
Whale, qui signe le récit le plus long, s'en tire sans doute le mieux avec une intrigue tirée par les cheveux et riche en retournements, et le parti-pris d'une constante hyperbole sanantonienne. Ses deux collègues accomplissent un fort honnête travail, et on lit comme on rit, avec grand plaisir, sans regrets, et sans guère de souvenirs marquants.
- Précédemment paru chez Walrus en 2016, nous informe le présent volume.↑
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