KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

Anders Fager : la Reine en jaune

(Samlade svenska kulter, 2011)

seconde sélection de nouvelles fantastiques horrifiques

chronique par Philippe Paygnard, 2017

par ailleurs :

Il y a trois ans déjà, l'éditeur bordelais Mirobole nous avait proposé une première sélection de nouvelles fantastiques issues du corpus Samlade svenska kulter, concocté par Anders Fager et publié entre 2009 et 2011. Ce recueil, intitulé les Furies de Borås, nous plongeait alors, à travers treize textes courts, dans une Suède inquiétante qui faisait parfois songer à l'Amérique fantasmée de H.P. Lovecraft. Sous le titre de la Reine en jaune, ce deuxième opus prolonge la découverte des terres secrètes suédoises par l'intermédiaire de cinq nouvelles entrecoupées de cinq fragments.

La tension monte progressivement dans "le Chef-d'œuvre de mademoiselle Witt", première nouvelle de la Reine en jaune. Une tension sexuelle tout d'abord à travers le personnage de My Witt, galeriste et modèle pour des photographies d'art pornographique, avant de basculer dans le mystère, puis l'horreur pure.

"Cérémonies", le second texte du recueil, aurait très bien pu s'intituler "Ils meurent toujours par trois". Mêlant le quotidien d'une maison de retraite et d'étranges fêtes païennes qui prolongent la vie de certains pensionnaires, le récit installe rapidement une atmosphère inquiétante à souhait.

Lorsqu'un commando militaire investit un village de pêcheurs sur une île, pour détruire une supposée base secrète russe, et se heurte à des créatures qui semblent échappées d'Innsmouth, cela donne "Quand la mort vient à Bodskär".

"La Reine en jaune" permet ensuite de retrouver le personnage de My Witt, qui a dépassé les limites de la folie et est désormais internée dans un asile psychiatrique. Violente et incontrôlable, la jeune femme est soumise à un traitement de choc qui va mater son corps, mais pas son esprit irrémédiablement aliéné.

Véritable road movie horrifique, "le Voyage de Grand-Mère" nous fait enfin suivre Zami et Janoch, deux jeunes très bizarres qui traversent l'Europe pour aller chercher leur grand-mère. Ce récit est d'autant plus angoissant et prenant qu'il place le lecteur du côté de Zami et Janoch qui, d'étranges deviennent franchement monstrueux au fil des pages jusqu'au moment où ils retrouvent une grand-mère encore plus proche de l'indicible. Une nouvelle placée sous le patronage de Yog-Sothoth.

Alternant avec les cinq nouvelles de la Reine en jaune, certains fragments restent très lovecraftiens, comme celui où un navire de la marine suédoise heurte une chose innommable ; d'autres permettent de faire le lien entre les deux recueils en citant tout à la fois "les Furies de Borås" et My Witt. Si la plupart des fragments conservent un aspect énigmatique, ils participent tous à l'ambiance angoissante que Fager parvient à créer au fil de sa prose. L'absence de continuité de la numérotation des fragments (I, qui vient en tête, II, IV, V et VIII) confirme, s'il en était besoin, que tout comme les Furies de Borås, la Reine en jaune n'est qu'une sélection de nouvelles issues de l'œuvre d'Anders Fager.

Arrivé au terme de la lecture de la Reine en jaune, on ne peut qu'avoir une furieuse envie de relire les Furies de Borås pour mieux appréhender les liens existants entre les différents textes qui font tous partie de cet univers horrifique complexe et fascinant.

Anders Fager a choisi la forme courte de la nouvelle pour plonger ses lecteurs au cœur de l'horreur, à la manière de ses maîtres que sont H.P. Lovecraft et Clive Barker, dont il ne dissimule pas les influences. Toujours percutant, le nouvelliste suédois invoque ainsi les légendes et les grands anciens, pour créer une œuvre intense, originale et totalement contemporaine.

Philippe Paygnard → Keep Watching the Skies!, nº 81, décembre 2017

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