KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

Hélène Laly : Si Einstein était une fille

nouvelles fantastiques, 2014

chronique par Noé Gaillard, 2015

par ailleurs :

Je suis bien embêté pour vous parler de ce recueil de huit nouvelles fantastiques. C'est une première publication indépendante pour son auteur. Comme en peinture il y a les expositions collectives (les anthologies) et les expos indépendantes (une galerie pour soi tout seul). Et je ne voudrais pas que les remarques qui vont suivre vous interdisent de goûter à sa prose.

Si vous êtes amateur de Fantastique, vous ne serez pas déçu : les grands thèmes sont au rendez-vous et l'ensemble se dévore à belles dents si vous aimez ce qui est bien écrit. Écrit dans le sens où l'auteur recherche des effets de langage, des mots riches ou rares (suborner, infrangibilité, ingambe), des effets d'humour — un peu à la manière de Pierre Desproges dont on sait qu'il avait le goût et le sens de la comparaison, sauf que par exemple lorsqu'elle joue avec l'expression “rouge comme un coq” et qu'elle ajoute “de bruyère”, c'est raté : les coqs de bruyère ne sont pas rouges, sinon ils feraient tache. Elle s'essaye aussi aux effets d'onomastique ; faites attention aux noms et prénoms des personnes (Daisy Hope, Hélix, Candy-James, Thobs, Lhéo) et aux noms et à la localisation des villes (Valladolid au Mexique). Mais ne prêtez pas trop attention aux titres des nouvelles : en voulant intriguer ou étonner, ils dénaturent un peu le rapport entre le texte et le lecteur. Celui qui donne son titre au recueil et qui semble situer ce texte à l'époque d'Albert ne renvoie qu'à un bref passage de la nouvelle qui n'a pas grand-chose à voir avec le physicien et plus à voir avec le mal-être adolescent. "Le Baiser de l'épousée" est le titre de l'antépénultième récit, et là encore ce baiser n'est qu'un point bref de l'histoire qui mêle maternité, rites indiens du Mexique et layette à la sauce mante religieuse. Il en va de même pour le texte intitulé "Coup de vent" où il est simplement question de plans différents de réalité. Pour "l'Étrange locataire de la rue Manin" (une femme qui se transforme en lapin) et "In memoriam" (un orphelinat, un volcan et les Parques), le rapport titre-texte semble plus lâche qu'étroit. Pour les trois nouvelles restant, le rapport est nettement plus évident et l'effet plus dilué nous permet de lire le texte sans gêne.

S'il vous faut une idée du meilleur de ces textes, je vous dirais la nouvelle éponyme. C'est la plus forte et la plus originale.

Une dernière remarque pour ce qui est du style. En peinture devant certains tableaux, on dit souvent : « C'est bien peint. », tant cela donne une impression de réalité ; ici, on trouve des phrases comme celles-ci : « Des abeilles ronronnant dans des bosquets de buis », « son regard se colora d'une fixité dangereuse », un « soul » qui non accentué est très musical, ou encore « la goule béante » qui a de la gueule — je vous laisse le soin d'en découvrir d'autres — qui laissent à penser que c'est trop écrit, ou qu'une relecture s'imposait…

Noé Gaillard → Keep Watching the Skies!, nº 75, mai 2015

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