KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

Des arbres et des électrons

éditorial à KWS 70, février 2012

par Pascal J. Thomas

Durant l'été 2011, des émeutes violentes, accompagnées de pillages, se sont déchaînées dans plusieurs villes anglaises. Je n'en ai eu écho que par la presse, qui y voyait autant d'opportunisme économique que de rage sociale à proprement parler. Peut-être parce que le désespoir d'en bas est tellement profond qu'on se dit que la violence n'apportera pas le changement, mais qu'une vitrine cassée est l'occasion d'acquérir à peu de frais un nouveau téléviseur. Qui sait. Quoi qu'il en soit, la lecture d'une phrase d'un des comptes rendus des événements m'a fait sursauter : « toutes les boutiques avaient été pillées, sauf la librairie ». La jeunesse émeutière avait fait son choix de distractions préférées, et le papier n'y figurait pas.

On peut se demander dans ces conditions si la confection de KWS, imprimé sur papier(1) et ne parlant que de livres de même dépendant du support papier, a encore beaucoup de sens. Heureusement que je reçois des lettres vraiment sympa de lecteurs formidables, comme Daniel Le Mercier (qui me communique une impressionnante liste de nouveautés à paraître que l'on voudrait toutes dévorer, et me poussent à citer un vieux titre d'un autre Daniel, Walther : Mais l'espace… Mais le temps…) ou Patrick Baudé (qui relate une autre escarmouche perdue par le papier contre le monde virtuel : son facteur ne lui apportera plus le courrier ; il faudra se contenter d'une boîte postale— où il viendra fidèlement quérir son KWS, n'en doutons pas !).

Je regretterai le papier. Je ne regrette pas l'instantanéité des échanges par courriel, et la permanence procurée par l'internet. Car le tout n'est pas d'avoir un document que l'on conserve (en supposant qu'il reste à l'abri des ravages du feu, de la moisissure et de la décomposition des pâtes à papier trop acides) ; il faut encore savoir le retrouver, et pouvoir y accéder sans y passer trop de temps. Les politiciens, de nos jours, craignent comme la peste les traces vidéo de leurs promesses et de leurs bourdes, qu'ils savent archivées pour les années à venir, et retrouvables en quelques secondes par les internautes curieux. Écrivains et critiques doivent pareillement avoir la satisfaction, et la crainte, de savoir leurs moindres paroles préservées par la mémoire des réseaux. On s'y fait fort bien.


  1. Même si vous lisez ces lignes sur l'excellent site internet de Quarante-Deux, ou via un fichier .pdf de ce numéro, dont je rappelle que je les communique gratuitement, sur demande

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