KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

Jean Molla : Felicidad

roman de Science-Fiction pour la jeunesse, 2005

chronique par Noé Gaillard, 2011

par ailleurs :

Quatrième de couverture, le retour, ineffable et un poil trop dithyrambique comme il se doit. D'abord le petit mot de l'auteur qui vend sa marchandise : « Felicidad n'est en définitive que le miroir déformant de notre société. Il ne reste à espérer que ce que j'y décris restera de l'ordre de la fiction. ». Il est sans doute des mots qui écorchent les lèvres ou dont on pense qu'ils ne font pas vendre — regardez le nom de la collection et son genre, et rappelez-vous du "Rayon fantastique" d'Hachette et Gallimard. Puis le résumé censé allécher : « À Felicidad, le bonheur est un droit et un devoir. Pourtant le ministre du Bonheur obligatoire est assassiné. Au même moment, les androïdes conçus pour servir les humains se révoltent. Alexis Dekcked est chargé de l'enquête. Un roman d'anticipation entre polar et science-fiction. Vous ne pourrez pas le lâcher ! » (ce sont eux qui soulignent). Résumé erroné : il n'y a aucune révolte d'androïdes, simplement pour certains une déconnexion de ce qui les rend dociles, et un vaste complot contre le Président à vie… On remarquera que l'Anticipation n'est pas de la Science-Fiction, et qu'il semble bon d'édulcorer celle-ci en la mitigeant de polar. Enfin, la petite notule critique : « “Vertigineux roman… un hommage assumé à Blade runner.” France Info ». Je ne connais pas cette France Info, aussi je tairai pudiquement mes commentaires… me bornant à regretter que ses références soient uniquement cinématographiques.

Maintenant, si vous en avez toujours envie, vous pouvez commencer la lecture. Attendez ! juste une précision : Jean Molla est l'auteur de l'Attrape-Mondes et de Sobibór en Gallimard Jeunesse. Des titres à consonance SF, non ?

Dans un monde partagé entre consommateurs et enclavés, c'est-à-dire entre riches et aisés surveillés en permanence et pauvres vivant (⁉) dans des enclaves de non-droit sous la haute présidence du Président à vie, des Grands Magasins réunis et de Génégène, les parumains nous servent puis sont “débranchés” avant de reprendre leur service. Mais voilà, les Delta 5, les parumains génétiquement modifiés pour faire des Pères Noël, se sont transformés en tueurs et sont censés avoir assassiné le ministre du Bonheur obligatoire. C'est pourquoi Alexis Dekcked — amoureux d'une parumaine — est chargé par Bérard et son âme damnée Arouet — pauvre Voltaire ! — de retrouver les trois Delta 5 qui n'ont pas été détruits. Et grâce à ses indics et à son courage, Alexis va tout découvrir et retrouver la belle parumaine qui l'aime. On vous laissera découvrir l'ultime rebondissement, mais en lecteur attentif vous l'aurez imaginé bien avant son apparition.

En Littérature, ce qui fait la force et la longévité des mondes, c'est leur cohérence plus peut-être que leur originalité. Ici, Jean Molla ne s'embarrasse nullement de cette gêne. Ainsi par exemple, si les caméras sont partout censées surveiller pour protéger les Citoyens, elles ne pénètrent pas dans les égouts, au contraire des éventuels terroristes qui se feraient repérer illico. Et je vous recommande la lecture plus qu'édifiante des pages 71 à 74, qui ont l'art de considérer le lecteur comme incapable de se poser des questions ou comme un agneau docile. Il me semble que le lecteur éclairé, arrivé à ce point-là, ne peut que lâcher le livre et se tourner vers autre chose. Personnellement, je vois là une SF infantile plus faite pour dissuader le lecteur et/ou l'acheteur (adulte compris) qu'autre chose.

Une remarque positive et nuancée, toutefois, pour finir. Les exergues explicatives en tête de chapitre, censées extraites des œuvres d'analyse ou critiques publiées par les Grands Magasins réunis, sont fort bien rédigées et très plaisantes ; on se permettra de regretter un mauvais jeu de mots — à mon humble avis — qui transforme Edgar MORin en Edgar Sarrazin comme auteur du Paradigme retrouvé, “perdu” en v.o. (V.O. pour Version Originelle, bien sûr) et un Thomas Quincet trop éloigné de la confiture, verte si ma mémoire est bonne.

Le genre de livre pour lequel on peut imaginer une catégorie critique particulière, genre “bon pour caler un meuble” !‥

Noé Gaillard → Keep Watching the Skies!, nº 69, juin 2011

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