KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

Eoin Colfer : Encore une chose… (le Guide du voyageur galactique – 6)

(the Hitch hiker's guide to the galaxy – 6; And another thing…, 2009)

roman de Science-Fiction et de Fantasy pour la jeunesse

chronique par Éric Vial, 2010

par ailleurs :

On prend les mêmes et on recommence, sous le signe permanent du n'importe-quoi-réjouissant, avec Arthur et Alea Dent, la mère de cette dernière, Ford Perfect, Zaphod Beeblebrox, la seconde tête de ce dernier, détachée désormais, des Vogons bureaucrates et destructeurs de planètes bien entendu, le nombre 42 passant par là par inadvertance et sans rapport avec quoi que ce soit d'autre dans le récit, les constructeurs de planètes habituels et au moins deux allusions au hanneton glouton de Tron — sans allusion à un ministre de l'actuel (été 2010) déplorable et apparemment éphémère gouvernement français, pour des raisons d'antériorité de la planète dans la notoriété et de faiblesse de cette même notoriété en ce qui concerne le ministre. Plus une platée de réalités virtuelles pour bien commencer les choses, et une forte dose de Fantasy vaguement rationalisée (si l'on ose dire), Asgard et Thor, et le marteau de celui-ci, avec quelques incidents sur Bifrost, non pas la revue mais le pont d'arc-en-ciel (et de ferraille et de béton, restons sérieux) menant au premier pour y trouver le deuxième buvant de la bière dans un quelconque tripot, ceci étant nécessaire pour en arriver à un duel presque final opposant ledit deuxième aidé du troisième, son instrument préféré, aux Vogons déjà cités plus haut. Plus de quoi faire dire à un personnage, peu de temps après un n-ième rebondissement, qu'il a « l'impression que ça fait une éternité qu'on n'a pas affronté des situations impossibles sans chance raisonnable de s'en sortir ».

Bref on est en pays de connaissance, ce qui est un des ressorts du plaisir de la lecture dans toute production sérielle si l'on en croit Umberto Eco. Tant mieux pour le lecteur, d'autant que le roman vient compléter un volume trois fois plus épais, et à peine plus de 50 % plus cher, réunissant les cinq romans (plus une nouvelle) dus à Douglas Adams d'H2G2, alias Guide du voyageur galactique, anciennement Guide galactique, plus anciennement encore Guide du routard galactique avant qu'une maison aux productions par ailleurs tout à fait estimables ne manifeste une ouverture d'esprit proche de l'ahurissant. Tant pis pour le lecteur aussi, s'il ne retrouve pas tout à fait les tomes précédents, dans le rythme des paragraphes, l'irruption renforcée de dialogues ou l'arrivée de fiches en italiques, supposées extraites bien entendu du guide éponyme. Sans parler de faiblesses de fond, qui n'existent peut-être que dans l'imagination du même lecteur, où elles sont nées du fait qu'après le décès d'Adams en 2001, un autre, bon fournisseur des collections “jeunesse” de Gallimard pour ce qui est des traductions de ses œuvres en français, a repris le flambeau.(1) L'imagination et les zygomatiques d'autres lecteurs pourront en revanche être stimulés par le souvenir des épisodes antérieurs. Bref, il y a gros à parier que, côté hilarité, on soit au moins partiellement en plein effet placebo, dans un sens ou dans un autre. Et la mise en place scientifique d'un protocole expérimental supposant un lecteur, amateur de SF mais qui n'aurait jamais lu Adams, se heurte à au moins un obstacle technique, le moindre étant sans doute que le présent volume suppose tout de même un minimum de familiarité avec les personnages principaux, n'ayant pas tout à fait été écrit pour fonctionner de manière absolument indépendante.

À chacun donc de savoir comment il fonctionne, s'il est prêt à marcher et à s'esbaudir comme devant l'original, ou au contraire à crier au charron, à la séquelle, à la contrefaçon, etc. Il est probable que le volume ne vaille pas tout à fait cet excès d'honneur, mais certainement pas, non plus, cette indignité. Et qu'au bout du compte mieux vaut le prendre pour ce qu'il est : une occasion de passer un fort bon moment. Ce qui n'est tout de même pas rien par les temps qui courent.

Éric Vial → Keep Watching the Skies!, nº 67, décembre 2010


  1. Profitons de l'occasion pour signaler que le présent ouvrage est traduit de l'anglais (Irlande) par Michel Pagel.

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