KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

Serge Lehman : le Haut-lieu et autres espaces inhabitables

court roman et nouvelles fantastiques et de Science-Fiction, 2008

chronique par Noé Gaillard, 2009

par ailleurs :

Je n'ai jamais très bien compris à quoi pouvaient bien servir les préfaces. Pourquoi en effet nous expliciter le(s) texte(s) que nous allons lire ? Une bonne postface confirmant ou infirmant le ressenti à la lecture donnerait au lecteur l'impression d'exister. Faire luire le nom d'un ami connu et montrer une parenté littéraire ? En l'occurrence, Xavier Mauméjean s'amuse dans sa préface au petit jeu du collage en assemblant des pièces (des citations) des textes de Lehman et réussit sans difficulté à faire sens… Bel exercice de style, comme dirait Raymond Queneau, dont l'utilité laisse perplexe. Puisque j'en suis aux regrets, ajoutons un certain nombre de pages blanches (six en fin de volume) dont l'utilité (pour le lecteur) semble discutable.

Passons aux choses sérieuses. Je n'avais jusque-là que survolé l'œuvre de Lehman — à quelques très très rares exceptions près, j'attends un peu que les auteurs prennent de la bouteille —, que lu un Karel Dekk ou un Don Hérial sans plaisir ou déplaisir… Et me voilà plongé dans des nouvelles qui s'étalent dans le temps pour me rattraper aujourd'hui. 1991, 1993, 1999, 2004, 2006 (deux fois), voilà pour les dates de parution des textes… Pour le sommaire, c'est autre chose : 1993, 2004, 1991, 2006, 2006, 1999. Ma lecture se serait parfaitement contentée de l'ordre chronologique, plus probant des qualités de Lehman, d'autant que rien (et surtout pas la préface) ne vient justifier l'ordre adopté… Et j'avoue que terminer sur la nouvelle (à mes yeux) la plus faible du recueil et la plus lourdement écrite me semble négatif surtout après les deux nouvelles centrales : "la Chasse aux ombres molles", petit bijou de finesse, de précision et d'efficacité, d'une grande perversité (une récompense pour le lecteur) ; "Superscience", une fort belle horlogerie (au remontoir offert par Borges et au mécanisme par Fritz Lang) qui mêle très finement quatre visions du monde, la création, l'archivage, l'architecture.

Vous aurez compris que je ne trouve aux autres nouvelles (par rapport aux deux sus-citées) qu'un intérêt moyen. Disons qu'elles forment un bon écrin agrémenté de paillettes… Enfin un petit conseil, ne vous fiez pas au titre — même justifié par celui du premier texte — et à son extension de titre. L'ensemble ne traite nullement de lieux en tant que lieux d'exceptions. L'ensemble traite de la création et de ses rapports avec l'artiste et l'observateur. Dans l'ordre du sommaire : un peintre, un romancier/savant, une question de production, des œuvres d'art, l'origami (art des pliures) scientifique, la maîtrise d'un univers ; dans le fond, l'ensemble vous propose six regards sur un même sujet et nous donne à réfléchir au moins sur notre rapport personnel à l'art.

Pour ma part, beaucoup de René Magritte et de Willem de Kooning (suggéré sans doute par le style de la couverture, qui louche un peu aussi vers un photographe américain dont le nom m'échappe).

Noé Gaillard → Keep Watching the Skies!, nº 62-63, juillet 2009

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