KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

Éric Chevillard : Sans l'orang-outan

roman insolite, 2007

chronique par Éric Vial, 2009

par ailleurs :

On ne peut pas dire que cela dérape à partir de la réalité. Cela a dérapé dès l'origine, avec un narrateur qui cherche en vain des disparus dans les visages croisés dans la rue, comme si les premiers faisaient partie du paysage quotidien de nos villes alors qu'il s'agit, le titre l'indique, des orangs-outans, ou avec les souvenirs du vétérinaire qui les trouvait si humains qu'il se confondait avec l'un d'eux, se prenait pour lui, restait dans sa cage à sa place, le laissait partir avec sa trousse, chez lui, pour la nuit, jusqu'à son retour le matin. Ceci pour la première partie, avant une plongée dans le quotidien répétitif d'un monde de poussière grisâtre, où les repas sont faits du lait de yacks pelés, de salades de fougère et d'improbables céréales mi-riz mi-blé, plus dures que les dents, où l'on se hait, où erre un animal immangeable, le hurlant, où l'on épuise les ânes dans des marches sans vrai but, où l'on cultive une herbe apaisante, où on cherche l'expiation et la disparition collective. Avant que de revenir aux orangs-outans ou à leur souvenir, ou, annoncée dans la dernière page, à une manipulation génétique qui ressuscitera l'espèce, annoncée. Fin.

Fin, donc, de quelque chose qui a à voir avec la SF. Disparition d'espèce animale (le dronte, ou dodo, se profile quelque part) ; monde crépusculaire démarqué du nôtre ; et jusqu'à la manipulation finale. On y ajoutera, très manifeste, une touche d'une Fantasy relevant de la “transfiction” : un morceau triste des voyages imaginaires d'Henri Michaux occupe la seconde partie, que l'auteur l'ait voulu ou pas. Et l'écriture est assez prenante pour faire marcher, pour faire avancer, pour faire tourner les pages sans qu'il y ait réellement d'intrigue — ce qui, après qu'on a dit le cousinage, dit la distance manifeste d'avec la SF. Il n'empêche que l'on n'est pas loin des genres qui nous intéressent ici et que ce devait être signalé…

Éric Vial → Keep Watching the Skies!, nº 62-63, juillet 2009

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