KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

Christopher Priest : les Extrêmes

(the Extremes, 1998)

roman de Science-Fiction

chronique par Pascal J. Thomas, 2000

par ailleurs :

Curieux roman que ces Extrêmes, dont les deux premiers tiers se situent dans un futur proche à peine pimenté de réalité virtuelle — à coup d'une nanotechnologie qui me paraît largement au-delà de nos possibilités actuelles, exploitée seulement dans un but trivial, la commercialisation de la violence. On pourra lire cette semi-invraisemblance comme un commentaire sur la trivialité commerciale de notre époque.

Priest, qui se défend (dans sa postface) de produire des œuvres “à thèse”, ne peut s'empêcher de commenter son époque. Il se préoccupe fort, tout au long de la première partie du livre, des différences de perception et d'organisation de la société entre Anglais et Américains. Avec un décalage sournois : le massacre au fusil-mitrailleur qui est au cœur du livre a eu lieu dans une Angleterre beaucoup moins accoutumée que les USA à ce genre de tragédies, et les questions de différences nationales sont abordées par une protagoniste américaine, qui se demande comment les Anglais les voient. Jeu de miroirs, qui renvoie à la préoccupation de Priest pour les doubles. Préoccupation explicite ici dans la coïncidence de deux massacres, un en Angleterre et l'autre aux USA, mais aussi — de façon plus discrète — dans l'enfance de Teresa, sa protagoniste agent du FBI.

En fin de roman, la réalité consensuelle se craquelle sous le poids de ses incohérences, la réalité virtuelle reprend ses droits, et le récit se fait plus dickien. On retrouve Christopher Priest jouant avec les niveaux de réalité, avec les préoccupations d'un écrivain pour l'écriture (ici, c'est la fascination de Teresa pour la somme de détails que les programmateurs doivent intégrer à leur travail pour produire le saisissant effet de réel qu'elle éprouve au sein des simulations).

Prises séparément, les deux parties du roman sont prenantes, accomplies, un témoignage du métier de Priest — l'on s'irritera d'autant plus de voir ce livre traduit aussi médiocrement, avec autant d'anglicismes. Au total, l'œuvre laisse un goût d'incohérence, mais aussi un parfum entêtant d'étrangeté.

Pascal J. Thomas → Keep Watching the Skies!, nº 37, juillet 2000

Lire aussi dans KWS une autre chronique de : les Extrêmes par Noé Gaillard

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