KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

Dean Koontz : la Semence du démon

(Demon seed, 1973 & 1997)

roman de Science-Fiction

chronique par Philippe Paygnard, 2000

par ailleurs :

L'intelligence surdimensionnée d'une machine conçue par l'Homme finit par se trouver à l'étroit dans la boîte qui renferme ses circuits. Dépassant les limites de sa programmation, elle investit donc une résidence toute proche pour y trouver l'élue de son cœur de silicium : une femme prénommée Susan. Le but de la machine est simple : comme tout être vivant, elle souhaite simplement assurer sa descendance et faire de Susan la mère de son enfant.

Un seul titre, la Semence du démon, et deux livres.(1) L'un a été publié en 1973 et le second en 1997, mais l'auteur est le même, ou presque : Dean (R.) Koontz. Comme le titre, le thème de ce roman n'a pas changé, pas plus que les personnages principaux ; pourtant, au-delà de ces similitudes apparentes, les divergences entre les deux versions sont nombreuses. Koontz semble avoir profité de ce travail de réécriture pour faire un grand nettoyage de printemps.

Délaissant ainsi la méthode narrative de la première version, il donne à sa nouvelle Semence du démon la forme d'un témoignage, celui d'Adam 2. La machine au nom éminemment symbolique cherche ainsi à sauver sa “tête” en collaborant avec la commission chargée de statuer sur son sort.

Cette seconde version tient bien évidemment compte des avancées de la technologie. Elle propose ainsi un récit presque réaliste contrairement à la première version qui, située dans un futur alors lointain (1996), présentait des inventions peu crédibles comme les “ondes subliminaires” utilisées par Proteus (nom donné à la première version d'Adam 2) pour modifier le comportement de Susan. Koontz remplace également les incroyables “alliages amorphes”, capables de générer des pseudopodes ou des tentacules permettant à Proteus d'agir dans la première version, par un tueur en série nommé Enos Shenk que la machine contrôle grâce à des puces placées dans son cerveau.

Dean Koontz fait le choix de situer sa nouvelle version dans un présent clairement identifiable. Adam 2 se réfère ainsi régulièrement à des acteurs qu'il admire et imite, et des actrices qu'il voudrait séduire.

Koontz profite également de l'occasion pour concentrer l'action de son roman. Alors qu'elle s'étalait sur plusieurs mois dans la première version, elle se condense sur quelques semaines à peine dans la seconde, grossesse comprise. Il fait aussi disparaître le personnage de Mardoun, le financier du projet Proteus, qualifié de “salaud d'Hindou” dans la première version. Même dans la bouche d'un personnage de roman, une telle expression raciste ne cadre plus avec le langage politiquement correct de l'Amérique des années 90.

Pourtant, toutes ces modifications, toutes ces transformations et quelques autres encore, n'apportent finalement rien de bien nouveau au récit de Koontz. Dans sa première mouture, la Semence du démon était déjà tout aussi intéressante et portait en elle toutes les questions que l'on peut se poser lorsque l'être humain se prend pour Dieu en créant un être intelligent, même artificiel. En dehors de quelques scènes gore supplémentaires (l'assassinat de Fritz Arling, le maître d'hôtel de Susan, notamment) et d'un brin d'humour additionnel, la seconde version n'a rien de véritablement innovant.

Réécrire un livre lorsque l'on n'est pas satisfait du résultat initial peut être une initiative intéressante, surtout lorsqu'elle se limite à un ouvrage et que l'auteur s'appelle Dean Koontz. Ce peut être l'occasion d'apporter un éclairage différent sur un récit ou d'aborder des thèmes négligés lors de la première écriture, ce qui n'est hélas pas le cas ici.

L'un des seuls avantages de la publication de cette seconde version de la Semence du démon est de permettre à de jeunes lecteurs de Koontz de découvrir l'essence d'un récit quasiment introuvable, hormis dans quelques bibliothèques et chez de rares bouquinistes.

Philippe Paygnard → Keep Watching the Skies!, nº 35, février 2000


  1. La traduction française de la première version était parue chez Opta en 1974 puis au Livre de poche en 1977. Deux livres et un film car, dès 1977, le roman de Koontz a été adapté au cinéma par Donald Cammell. Portant le titre de Génération Proteus en version française, ce long-métrage est interprété par Julie Christie (Susan Harris), Fritz Weaver (le docteur Harris) et Gerrit Graham (Walter Gabler). On peut d'ailleurs noter que certains éléments de ce film ont été intégrés à la seconde version du livre. On retrouve ainsi le lien conjugal brisé entre Susan et Alex Harris, l'un des créateurs de Proteus/Adam 2, ainsi que le nom d'Alfred donné à l'ordinateur domotique qui contrôle la Maison de Susan.

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