KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

Joëlle Wintrebert : Lentement s'empoisonnent

roman de Science-Fiction, 1999

chronique par Pascal J. Thomas, 2000

par ailleurs :

La série constituée en collection Quark noir relate les aventures de Mark Sidzik, journaliste enquêteur scientifique d'un futur proche à toucher (dans cinq ans, disons) dont l'employeur, la World Ethics and Research, lui laisse la liberté d'action que l'on attend d'un journaliste de roman populaire… c'est-à-dire de quelqu'un qui roule sa bosse et fait arrêter des gangsters plus souvent qu'il n'écrit des articles !

En ouverture de ce livre-ci, Sidzik reçoit un message électronique d'Otto Hagen, patron d'une ONG travaillant sur l'Afrique. Hagen a des problèmes de conscience. Mauvais pour la santé, manifestement, puisqu'un curieux accident de voiture l'empêche pour toujours d'aller à son rendez-vous avec Mark. Qui naturellement ne va pas en rester là, et enrôle sur le champ son ami Fred Cailloux pour enquêter dans le monde parfois inquiétant de la recherche et de l'industrie médicales.

L'élément scientifique extrapolé autour duquel tourne le roman est la culture de bananes transgéniques dont la simple ingestion suffit à vacciner contre la diarrhée infectieuse. Se profilent derrière des recherches au potentiel nettement plus lucratif — parce que portant sur une maladie touchant les pays riches — sur un vaccin contre le SIDA. Si ce sont les irrégularités dans l'importation des bananes transgéniques qui mettent la puce à l'oreille de Mark et Fred, les méthodes des gens qui s'opposent à eux font soupçonner quelque chose de beaucoup plus sinistre.

Contrairement au Richard Canal dans la même série, ce roman ne ressortit que marginalement à la Science-Fiction. L'élément scientifique spéculatif est certes présent, et pas seulement de façon cachée (l'OMS se félicite de l'existence des bananes qui vaccinent contre la diarrhée infectieuse), mais n'a pas d'influence sur la société dans laquelle se déroule l'action. Le seul élément qui date résolument l'action dans le futur (proche) est l'emploi systématique de l'euro. La structure du livre est celle du roman policier d'enquête : on patauge jusqu'à l'explication finale, qui met en cause un super-coupable figurant parmi les personnages déjà croisés. Cette structure n'est pas inconnue en SF, bien entendu. Exception au point de vue de l'enquêteur : des bribes du point de vue du super-coupable sont données, et les sentiments d'un personnage inconnu et féroce du fait de ses traumatismes sont distillés sous forme d'une sorte de journal intime, suffisamment obscur pour ne pas être révélateur.

Dommage peut-être que la règle du genre, la nécessité du suspense, aient empêché de plonger plus profond dans l'esprit et les motivations de ce super-coupable, personnage le plus original du lot. Car les méchants en demi-teinte abondent, faibles, corrompus, profiteurs, tous coupables à un degré ou un autre… Le lecteur aura son comptant de fausses pistes vraisemblables quant à l'identité de ceux qui tirent les ficelles. Ajoutons que la documentation, tant sur la politique malienne (avec la rébellion Touareg) que sur la recherche médicale, semble vraiment très solide, et que le livre se lit sans ralentir. Tout cela donne un thriller très réussi.

Pascal J. Thomas → Keep Watching the Skies!, nº 35, février 2000

Lire aussi dans KWS d'autres chroniques de Quark noir [ 1 ] [ 2 ] [ 3 ] [ 4 ] [ 5 ] par Noé Gaillard ou Pascal J. Thomas

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