KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

Philippe Curval : Voyance aveugle

roman fantastique et de Science-Fiction, 1998

chronique par Sébastien Cixous, 1998

par ailleurs :

Abandonnée par son petit ami dès son arrivée au Mexique, Laure trouve un réconfort moral — à défaut d'une consolation charnelle — auprès d'Ariel, le réceptionniste de l'hôtel. Lors de leurs pérégrinations touristiques, le jeune homme la conduit dans un temple zapotèque où elle éprouve d'étranges sensations en traversant un corridor souterrain à la tombée du jour.

De retour à Paris, Laure est victime de malaises, d'absences qui mettent en péril son avancement professionnel. Un jour, elle se réveille même en pyjama dans le turbotrain pour Caen, face à son double adolescent, incapable de se rappeler comment elle a atterri là.

Soucieux de sa santé, un collègue de bureau conduit Laure chez Yann Laage, un singulier médium qui pratique la “voyance aveugle”, renvoyant à la manière d'un mur les messages psychiques qu'on lui adresse. L'homme décèle une “oniroperinyctie” chez la jeune femme et lui conseille de creuser plus profond à l'intérieur d'elle-même pour comprendre le sens de ses pulsions inconscientes…

Dès cet instant, Laure subit une succession de “déferlantes oniriques”, de visions obsessionnelles. Mais là où un autre auteur se serait contenté de juxtaposer artificiellement une série d'aventures délirantes sur le second versant de la nuit, Philippe Curval enrichit son propos d'une dimension cathartique. D'interrogations dickiennes en univers aberrants dignes d'un Serge Brussolo, l'auteur livre un roman d'apprentissage dont la finalité ne manque pas d'étonner. Resserrant les fils de sa trame, il débouche sur une interprétation science-fictive des mythes précolombiens peu conforme à l'étiquette d'un roman publié en "Présence du fantastique".

La personnalité de l'héroïne s'accommode sans doute mal du rôle “divin” qu'elle est amenée à jouer mais, rétorquera-t-on, les voies célestes conservent de la sorte leur légendaire impénétrabilité. Point positif : on échappe — et nul ne s'en plaindra pas ! — aux sempiternels sacrifices humains qui prolifèrent dans les œuvres de fiction consacrées aux religions antiques de l'Amérique Centrale.

Voyance aveugle se présente comme un roman composite d'une surprenante richesse. Il naît dans le terreau du fantastique ethnologique, grandit dans les méandres d'une quête surréelle et s'achève à la manière d'un thriller cosmique dans lequel Curval témoigne, à la suite des frères Strougatsky et sans discours prométhéen, de la difficulté d'être un dieu.

Sébastien Cixous → Keep Watching the Skies!, nº 29-30, août 1998

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