Wil McCarthy : Murder in the solid state
roman de Science-Fiction inédit en français, 1996
- par ailleurs :
David Sanger vient de terminer un doctorat en chimie — ou, plus exactement, en nanotechnologie. Que, dans sa spécialité, ils préfèrent appeler “fabrication moléculaire”, ce qui dit bien ce que ça veut dire : il s'agit de concevoir des molécules qui puissent, correctement assemblées, agir comme des machines. Sous l'œil attentif de son directeur de thèse, Henry Chong, il va pour la première fois présenter ses travaux au sein d'un important colloque, quand la routine rassurante du milieu se trouve interrompue par un événement exceptionnel : le meurtre d'Otto Vandegroot, alias “Big Otto”, un personnage aussi haï qu'incontournable dans le domaine.
Vandegroot n'est pas un génie scientifique, mais il a su s'entourer d'une armée d'avocats qui protègent ses inventions à coups de brevets tellement vagues qu'ils lui permettent de bloquer les innovations de ses collègues plus jeunes. Et surtout, son œuvre principale est le Renifleur moléculaire, un appareil qui permet de repérer sans fouille les armes et les drogues qu'une personne peut transporter. Grâce à lui, la répression du crime a beaucoup avancé — même si les crimes continuent à se commettre, avec d'autres moyens. Il n'empêche que le Renifleur moléculaire est une pièce maîtresse des mesures préconisées par le Gray Party, un parti d'extrême droite minoritaire mais influent qui bénéficie de l'appui des personnes âgées, toujours plus effrayées par (et vulnérables à) la délinquance violente, et aussi de la sympathie de larges secteurs de la police et de la justice. Sans être au pouvoir, le Gray Party a réussi à donner le ton de ce futur très proche où tout ce qui est électronique enregistre ses faits et gestes et peut être consulté par les forces de l'ordre — pas seulement les téléphones, mais aussi les serrures des maisons ou des chambres d'hôtel, par exemple.
Tout cela ne signifiait pas grand-chose pour David, qui se cantonnait à ses travaux scientifiques — sans se rendre compte que, par inadvertance, il était tombé sur une découverte qui gêne et irrite les Grays. Il lui faudra plus d'un meurtre, plus d'une attaque contre lui (la plus grave étant le saccage de son laboratoire, et la destruction de ses précieuses archives informatiques), pour qu'il se rende compte de ce qui lui arrive. Et parvenu à ce point, il est déjà engagé dans une inimaginable descente aux enfers, qui va faire de lui un fugitif, et surtout un desperado, prêt à enfreindre les lois, et plus, ses propres principes moraux. Heureusement, il bénéficie de l'aide de sa petite amie Marian, et de Bowser, un avocat rebelle qui est aussi un copain d'enfance.
Murder in the solid state est plus qu'un compétent polar SF : c'est un excellent petit roman qui va vite, ne lâche jamais le lecteur, et touche un peu à tout au passage : considérations politiques (avec un avertissement sur les dangers pour les citoyens d'une police trop puissante, même quand on lui donne des missions parfaitement légitimes), déchirements moraux, une pincée d'univers virtuels, invention techno-scientifique, et coup de projecteur sur l'ambiance des milieux de la recherche — même si McCarthy est beaucoup moins performant dans ce dernier domaine que Gregory Benford.(1) Wil McCarthy est déjà l'auteur de trois autres romans publiés, et au vu de celui-ci, je pense comme d'autres critiques qu'il s'agit d'un auteur à suivre.
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