Carnet d'Ellen Herzfeld, catégorie Lectures

Ken MacLeod : Cosmonaut Keep (Engines of light – 1)

roman de Science-Fiction inédit en français, 2000

Ellen Herzfeld, billet du 1er mai 2007

par ailleurs :
 

Je ne sais pourquoi, mais ça fait longtemps que j'ai envie d'aimer les romans de Ken MacLeod. Un premier essai il y a quelques années avec the Star fraction s'est soldé par un échec : j'ai abandonné le livre après une centaine de pages. Après avoir lu sa nouvelle "a Case of consilience" dans le Year's Best SF 11 de David G. Hartwell et Kathryn Cramer, j'ai senti que le moment était venu de refaire une tentative, mais avec une autre série. J'ai donc entrepris Engines of light, série non traduite en français, dont le premier volume Cosmonaut Keep date de 2000.

Les chapitres alternent entre deux histoires qui au début paraissent complètement indépendantes. Dans l'une, nous sommes sur Terre quelques dizaines d'années dans notre futur. En fait, je l'ai ressentie plutôt comme une uchronie : les Russes ont envahi l'Europe, Grande Bretagne incluse, et l'Union Européenne est une sorte de société écolo-socialiste, plutôt que communiste à la Soviétique, alors que les États-Unis sont toujours franchement capitalistes.

Matt Cairns vit dans la République d'Écosse. Sa profession consiste à travailler avec des “agents” et des IA purement informatiques, mais aussi avec les “vieux geeks” qui connaissent encore MS-DOS, Oracle, etc., dont personne ne se sert plus depuis fort longtemps, mais qui persistent, cachés sous des couches d'émulations diverses, au fond de multiples systèmes. Il se considère plus comme un artiste que comme un technicien. L'UE a un programme spatial dont le but avoué est d'utiliser les astéroïdes proches de la Terre à des fins minières. L'histoire commence alors que l'UE annonce qu'elle a établi un contact avec une intelligence extraterrestre et que Matt se retrouve en possession d'un disque contenant des instructions pour la construction d'une véritable soucoupe volante avec une technologie inconnue.

Les chapitres impairs se passent sur la planète Mingulay, où vivent humains, saurs, krakens (genre de pieuvres géantes et super intelligentes), ainsi que quelques autres espèces. Tous ces gens proviennent apparemment de la Terre mais de diverses époques, et ont ensuite évolué sur place. Il ont été amenés là soit par les saurs soit par les krakens, soit par… autre chose. Les derniers arrivés, cependant, des humains, sont apparemment venus par leurs propres moyens — ce qui fait l'admiration de tous — deux siècles plus tôt, et ont gardé, à travers plusieurs générations, la tradition des “Cosmonautes” malgré leur évidente régression technologique. Ici, les choses démarrent avec l'arrivée d'un vaisseau marchand interstellaire, événement peu fréquent mais normal. On apprend que dans tous les vaisseaux de ce type, qui voyagent à la vitesse de la lumière — ce qui entraîne forcément des effets relativistes intéressants —, le navigateur est un kraken mais les passagers sont variés, saurs et humains. Nous suivons Gregor Cairns, jeune biologiste spécialisé dans la faune marine, et ses deux collègues et amis, une humaine, Elizabeth, et un saur, Salasso. Gregor est un descendant direct des “Cosmonautes” et se voit rapidement confié une mission qui consiste à essayer de retrouver au moins une partie de la technologie perdue.

Les deux fils narratifs semblent au début complètement indépendants, mais progressivement, on comprend où se situe le lien. La partie qui se passe sur Terre est très “politique”, ce qui n'est pas un problème en soi, sauf qu'elle est remplie de sigles que j'ai eu bien du mal à déchiffrer et surtout à retenir. J'ai aussi peiné à suivre et à m'intéresser aux intrigues politiques avec espions, intelligence et contre-intelligence… Ce n'est pas particulier à ce livre : j'ai toujours des difficultés avec ce genre de choses, sans doute parce que ça ne me passionne guère.

Les personnages sont assez sympas et suffisamment bien campés pour que je ne m'y perde pas. Dans les deux histoires, on retrouve le personnage principal (Matt sur Terre et Gregor sur Mingulay) pris dans un triangle amoureux avec deux femmes, mais leurs aventures sentimentales m'ont laissée plutôt indifférente.

Un élément m'a frappée, peut-être en contraste avec les romans de Stephen Baxter que j'ai lus et commentés récemment :(1) il n'y a quasiment pas de violence. Un seul meurtre sur lequel l'auteur ne s'attarde pas longuement avec des détails sanglants, pas de bagarres, et même peu de violence verbale. D'une manière générale, il est entendu que les gens ne s'étripent pas et, bien évidemment, il n'est pas question de peine de mort. Il y a des désaccords, nombreux d'ailleurs, et la prison existe, mais on y est, apparemment, bien traité. J'ai trouvé ça rafraîchissant.

Des éléments intéressants sont introduits mais à peine développés : sur Terre, vers 2040, il existe manifestement des technologies médicales de prolongation de la vie, apparemment utilisées couramment par tout le monde, mais sans qu'on sache à ce moment si ça marche vraiment et pour combien de temps. Les Cosmonautes originels arrivés sur Mingulay sont encore en vie et toujours jeunes deux siècles plus tard — ce qui montre que le traitement était efficace —, mais personne n'a les connaissances nécessaires pour en faire profiter d'autres. On entrevoit aussi les dieux (vraisemblablement athées, nous dit l'auteur !), espèce vivante omniprésente dans l'espace et qui, pour ce que j'en ai compris, surveille tout sans trop se mêler. Tout ce qu'ils demandent c'est qu'on ne dérange pas la beauté de l'univers dont la contemplation béate constitue leur occupation principale. Apparemment, tant qu'ils sont contents, les autres espèces peuvent vaquer à leurs activités plus ou moins minables, mais si on leur déplaît, attention…

MacLeod semble s'amuser à ne pas trop en dire, ni même parfois assez au lecteur. Après avoir lu près de cent pages (sur trois cents), je n'avais toujours pas de vision très nette de ce qui se passait au niveau de l'intrigue politique dans la partie sur Terre. À tel point que je suis allée chercher des critiques du livre sur l'internet pour voir si j'étais débile ou quoi. Mais non, il semble bien que je ne sois pas la seule à avoir eu du mal. Ou à être débile…

Il y a aussi la structure du roman, avec deux fils narratifs alternant un chapitre sur deux, mode que je n'aime pas trop. Je trouve que ça m'empêche d'entrer vraiment dans l'histoire. C'est comme si je lisais deux livres en même temps en passant de l'un à l'autre un jour sur deux, ce que j'évite soigneusement de faire. Malheureusement, il paraît que c'est habituel chez MacLeod. Son copain Iain M. Banks a déjà utilisé cette méthode et, justement, parmi tous ses livres, c'est bien ceux-là qui m'ont plu le moins.

Donc, mon impression reste mitigée pour le moment. Trop de politique, à laquelle j'ai eu du mal à m'intéresser, des intrigues amoureuses insipides, mais quand même suffisamment de substance et de promesse pour que j'entreprenne sans hésitation le volume deux, Dark light.


  1. Les trois de la série Manifold : Time, Space & Origin, complétés par le recueil Phase space.

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