Carnet de Philippe Curval, catégorie Chroniques

Tolkien-walkien

Philippe Curval, billet du 1er février 2006

Le tolkien-walkien de la misère éditoriale fait des ravages. D'un bout de la planète à l'autre, les pulplicateurs s'envoient des mails de filet à attraper les lecteurs pour s'entretraduire des quantités d'œuvres écrites à la chaîne par des fondus de la littérature de gare aux dragons. Sur ma chaise de réception, ce matin, une insondable tristesse s'est emparée de moi à la vue de ces pavés insipides qui s'accumulaient sur les maigres ouvrages de Science-Fiction que j'essayais d'isoler de la contamination.

Le facteur a sonné pour m'apporter une nouvelle vague de fond de cochonneries innommables. Je dis cochonneries innommables parce que ni les éditeurs musulmans ni les israéliens ne m'envoient de Fantasy. C'est donc que la viande de dragon n'est ni casher ni hallal et ne peut être consacrée par un imam ou un rabin, pas plus que celle des elfes, des trolls ou des fées. La raison principale, c'est qu'elle est immangeable, pour ne pas dire impure, puisque je suis athée.

En vrac, je me saisis d'un best-seller de John Marco, le Chacal de Nar, premier volume de la trilogie des Tyrans et des rois, 980 pages à lui tout seul. C'est l'histoire d'une machine à tuer implacable, à la tête d'une grande armée. On se demande pourquoi ce brave homme n'est pas resté chez lui à regarder Star trek plutôt que de s'embarquer pour des aventures guerrières dans la boue et les tranchées contre des adversaires magiciens alors que, nous précise-t-on, il n'aspire qu'à la paix.

Dans le Voleur de foudre, ce sont les demi-dieux qui sont persécutés. Où que vous soyez, même dans le monde contemporain, si vous avez un fragment de l'ADN d'Hercule ou de Cronos [sic], vous risquez une mort abominable et douloureuse, surtout si vous avez volé l'éclair de Zeus. Ce qui symbolise pour moi l'électricité, à s'y méprendre. Donc, si vous avez une chaîne hi-fi, un ordinateur, un téléphone portable, vous êtes coupable par défaut. Méfiez-vous des réparateurs, ce sont des envoyés de l'Olympe qui risquent de vous appliquer la gégène. Encore que l'auteur, Rick Riordan, ne manque pas d'un certain humour qu'il ferait mieux d'employer à écrire de la SF.

Ce qui n'est pas le cas de Mitchell Graham, sérieux comme un inquisiteur, qui dans l'Héritage des anciens (les petits), nous dresse le portrait d'un monde futur où un cataclysme a fait régresser la civilisation au niveau du Moyen Âge. Lui n'hésite pas à piller le Seigneur des anneaux (l'anneau d'or), Wells (les Orlocks, créatures cannibales) pour nous confronter à la reine Sakira qui veut anéantir l'Humanité, sans avoir les ressources d'une savante folle. Quoi de neuf, Docteur ? Rien, si ce n'est qu'une paranoïa militante abrutit l'esprit, réveille des peurs ancestrales, mutile le peu d'espoir qui nous reste à affronter les grands problèmes d'aujourd'hui.

Quand les cyclotrons de la Fantasy s'attachent à analyser la matière, il n'en reste que les parties cul. Autant vous avouer que je n'ai ouvert aucun de ces romans, ce qui fait preuve de mon impartialité. Bonne lecture !

Commentaires

  1. Fraise d'âge mûrvendredi 3 février 2006, 00:06

    Que du cul ? Je me poile. Vous seriez donc le saigneur des anaux, cher Philippe Curval ? ;-)

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