Carnet de Philippe Curval, catégorie Chroniques

Daniel H. Wilson : Robopocalypse

(Robopocalypse, 2011)

roman de Science-Fiction

Philippe Curval, billet du 15 novembre 2012

par ailleurs :
Est-ce un film, est-ce un roman ?

Nous sommes entrés dans l'ère post-Asimovienne. Après mon roman, Lothar blues, où l'avenir de nos relations avec les robots prend un tour inquiétant, voici Robopocalypse de Daniel H. Wilson, aux éditions du Fleuve noir, où cette fois il devient franchement terrifiant. Je ne veux pas prétendre, à ce sujet, qu'il n'y a jamais eu, au cours du siècle dernier, de romans traitant de la révolte des machines contre l'Homme. Ils abondent.

Mais depuis I, robot, paru en 1950, s'est déroulée une longue période où les fameuses trois lois de la robotique inhibaient tout auteur s'attaquant à ce thème de Science-Fiction par excellence. Au point que celui-ci ne se trouvait plus que rarement exploité. Alors qu'il est si riche de promesses spéculatives à mesure que s'approche le moment où le robot deviendra, sous quelque forme qu'il apparaisse, une réalité de tous les jours.

Pourquoi ai-je titré cette livraison de mon carnet particulier : est-ce un film, est-ce un roman ? Parce que ce texte va être adapté au cinéma par Steven Spielberg ? Absolument pas ! De l'aveu même de Daniel H. Wilson dans ses remerciements, les scénaristes de DreamWorks l'ont aidé dans sa tâche. Aussi, l'écriture de son roman se veut très descriptive, enjouée et didactique sans paraître pesante. L'action se révèle rondement menée à travers une suite de plans-séquences.

Robopocalypse est traduit par l'un de mes meilleurs ennemis, d'une langue à la fois fluide et racoleuse qui, je l'avoue, convient fort bien au projet de l'auteur, si j'en juge par l'effet qu'il a produit sur moi. Il suffit d'un bon vidéoprojecteur mental et d'une connaissance sérieuse de l'œuvre de Spielberg pour visionner le film qu'il en tirera.

La trame du récit s'appuie sur deux citations. La première, d'Alan Turing, prévoit qu'une fois les techniques d'apprentissage des machines initialisées, il ne leur faudra pas beaucoup de temps pour nous dépasser. Elles seront aptes à communiquer les unes avec les autres, à augmenter ainsi leurs capacités, pour s'emparer du pouvoir. La seconde, de Richard Brautigan, qui croit à une écologie cybernétique, où l'Homme, libéré du travail, retournera à l'état de nature, au côté de nos sœurs et de nos frères mammifères, sous le regard bienveillant des machines. Une idée néobarjavellienne qui risque de produire des ravages !

Composé d'une suite de témoignages recueillis au péril de sa vie par un certain Cormac “Brightboy” Wallace, grâce à des transcriptions de webcam, de caméras de surveillance, de visioconférences, d'enregistrements divers issus d'immeubles intelligents, de portables, de sauvegardes d'exosquelettes, etc., Robopocalypse raconte la montée en puissance d'Archos, surnommé Big Rob. Une hypermachine à la voix de petit garçon, qui décide que l'Homme a accompli son destin en créant son successeur, qu'il est temps pour cette espèce d'expirer, afin de lui faire place.

Depuis sa cache profonde au sein de l'Alaska, Big Rob s'interconnecte avec les robots domestiques, militaires, industriels, avec tous les appareils, les machines du monde entier susceptibles de lui être reliés. En un éclair, il va acquérir des milliards de données, puis lancer la guerre totale contre l'Humanité.

Bien sûr, ce thème n'est guère original : Arthur C. Clarke a déjà écrit, il y a fort longtemps, une nouvelle où l'ordinateur surpuissant devient Dieu. C'est par son traitement astucieux, par son invention, son sens du tragique et du burlesque, ses retournements de situation que Robopocalypse crée l'intérêt.

Pour ne pas l'identifier à un film catastrophe, Daniel H. Wilson s'attache, dans la plus longue partie de son livre, à décrire comment plusieurs personnages, sollicités par les violents assauts des robots, par leur intelligence, leur ruse, leur sens de la rébellion, vont découvrir le moyen de les contrer. Que ce soit Takeo Nomura dont la poupée d'amour a été gravement endommagée ; Cherrah qui a l'idée de former un îlot de résistance dans une réserve d'indiens Osages ; Mathilda Perez, aux yeux modifiés, dont le chant charmera plus tard les androïdes ; Paul Blanton, soldat en Afghanistan, etc. Puis, à mesure que la guerre se généralise, qu'Archos, le Pol Pot robotique, transforme les Humains dans des camps de concentration, l'auteur déploie de réjouissantes qualités d'imagination pour nous proposer une panoplie de machines dangereuses et cruelles, dont je vous laisse le plaisir de la découverte.

Comme celui du dénouement qui offre une touche de surprise.

La chose que je redoute, c'est que les attaques meurtrières et le combat final, qui ne sont pas le meilleur du roman, prennent une trop large place dans le film de Spielberg, que les effets spéciaux réservés à l'“action” — dont les enfants, les adolescents, les adultes consentants sont si friands — nuisent à la réflexion philosophique dont Robopocalypse n'est pas dénué, sous une posture affriolante.

Réserve sans importance, le titre malsonnant. À la rigueur, j'eusse préféré (encore un coup de mon correcteur grammatical) Robapocalypse, puisqu'il s'agit d'une apocalypse déchaînée par Rob.

Suite à une indisponibilité momentanée de la main droite voulue par le rédacteur de ce blog, cette critique est écrite avec la seule main gauche — travail qui, sur un clavier d'ordinateur, m'apparaît, dans une certaine mesure, aussi difficile que celui de Ravel composant son concerto sur son piano. Et qui explique sa gauchitude.

Commentaires

  1. Gérard Kleinlundi 19 novembre 2012, 13:39

    Je crois que la nouvelle évoquée de Clarke est plutôt due à Fredric Brown.

    Robapocalypse aurait été en effet un meilleur titre. Mais à lire Philippe Curval, tout cela semble un peu réchauffé et assez naïf. Une IA aurait d'autres moyens de réduire l'Humanité à l'impuissance, voire à la disparition.

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