Carnet de Philippe Curval, catégorie Chroniques

Des nouvelles du passé

Philippe Curval, billet du 27 septembre 2012

Dans le Monde du 7 septembre, rubrique “polar”, un nommé Didier Pourquery nous apporte de singulières révélations à propos de Maurice G. Dantec, dans sa critique de Satellite sisters, qui vient de paraître aux éditions Ring. Voici ce qu'il écrit : « Dantec, on le sait, n'est pas un auteur de Science-Fiction, même s'il a pas mal écrit de textes relevant de ce genre. Il est un écrivain d'anticipation. Ses héros sont crédibles parce qu'ils sont les prolongements à peine déformés de ce que nous voyons aujourd'hui. Nanotechnologie, manipulations génétiques, visite sur Mars… tout cela existe bien en 2012. ».

De deux choses l'une, l'autre c'est le soleil, comme disait Prévert : soit Dantec ne peut pas être un auteur d'anticipation puisque ce dont il parle existe déjà, soit Didier Pourquery n'a rien compris à ce qu'il lisait, ne serait-ce qu'au sujet des deux héroïnes, les sœurs Ieva et Sara Zorn, filles jumelles de l'héroïne de Babylon babies, créatures quantiques à l'ADN transgressif, susceptibles de se projeter dans l'avenir, afin de créer une fiction rétrofuturiste, sans compter une liane mutante et la prochaine apparition de l'homo infinitis, qui ne peuvent relever que du domaine de la SF.

Ce qui n'empêche pas Pourquery de relever avec tristesse : « Les auteurs d'anticipation sont rarement pris au sérieux de leur vivant. ». Ajoutant qu'il aimerait bien être en 2030 pour voir si tout se passe comme Dantec l'avait prévu dans son “thriller spatial” (sic).

Personnellement, même si je ne doute pas un instant du réel talent littéraire de Dantec, j'espère ne jamais me trouver dans l'univers déjanté de son cerveau.

Commentaires

  1. Pascal J. Thomassamedi 29 septembre 2012, 15:06

    Bien noté, l'indigence des connaissances de Pourquery sur ce qu'est la SF : il en parle sans en avoir jamais lu, probablement. Cela m'avait frappé, mais je n'ai pas eu le temps d'en faire état. Ce coup-ci, Pourquery m'afflige, alors qu'il est plutôt spirituel dans les chroniques sur la langue qu'il tient de façon hebdomadaire dans le Monde (et il l'était dans ses éditos quand il rédigeait en chef le Monde magazine, publication par ailleurs bien creuse). On ne peut pas être bon sur tout…

  2. Pierre Rosenthalsamedi 29 septembre 2012, 23:29

    Pourquery n'est pas critique car il ne parle pas de l'intérêt du livre. Il est n'est pas journaliste puisqu'il assène des faits faux (l'anticipation n'est pas de la SF). À mon avis, Pourquery est quotidienniste car il écrit dans un quotidien. Tout comme moi je suis un répondiste de blog.

  3. Gérard Kleindimanche 30 septembre 2012, 14:49

    Oh, le cas de Pourquery est tout à fait limpide. Étant un des directeurs de la rédaction du Monde, il a usé de son autorité pour forcer la porte du Monde des livres où normalement il n'a rien à faire.

    Et il y a imposé un article de pur copinage destiné à vanter la camelote actuelle de Dantec en prenant les précautions d'usage : ce n'est surtout pas de la Science-Fiction, et en commençant par prendre ses distances d'avec le personnage pour conclure sur le thème : il faut que vous alliez y voir. Vu du point de vue d'un professionnel, c'est très habile.

    La question qui reste sans réponse pour moi, c'est copinage envers qui. Dantec, c'est possible mais je n'y crois pas trop. Peut-être davantage avec l'éditeur de Ring, personnage hautement sulfureux d'après tout ce qu'on m'en a dit. Et fort situé à l'extrême droite.

    Décidément, les mœurs des journalistes ne changeront jamais, celles de ceux du Monde, certes pas de tous, en particulier. Endogamie, inceste, passe-moi le sel (pas toujours attique).

    Mais dans ce pays, ce n'est jamais condamné ni même relevé. En Anglo-saxonnie, ça virerait au petit scandale.

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Joël Houssin : Loco

roman de Science-Fiction, 1975 & 2012

Philippe Curval, billet du 27 septembre 2012

par ailleurs :

Toujours aux éditions Ring, voici Loco, présenté comme le nouveau Joël Houssin, qui n'avait plus publié depuis 1990. Il s'agit, en fait, d'une réécriture de son premier roman, Locomotive rictus, paru en 1975 dans la troublante collection "Nébula" dirigée par Alain Dorémieux.

Pris d'une certaine paresse, j'invite ceux des lecteurs de ce blog qui n'auraient jamais entendu parler de cette version initiale à se reporter à la critique que j'en avais faite à l'époque. Certes, des situations ont évolué, les noms de quelques personnages ont changé, on y retrouve Thanatos, les spirites, le Méga-Hallucid, mais Joe Apocalyps s'appelle Kiss Apok, d'autres ont été ajoutés, bien des “chants-chapitres” ont été modifiés, réécrits, le style hallucinatoire a gagné en violence, en répugnance, en qualité d'écriture, mais la trame essentielle du récit demeure presque identique.

Ce qui me paraît le plus intéressant dans ce comprimé de désespoir et de haine, à la fois plus politisé, actualisé dans sa vision du monde, c'est le ton différent de la fin. Dans Locomotive rictus, les loups ont définitivement balayé les humains de la surface de la planète. Dans Loco, des Hommes ont survécu sur la Terre sans Loup. Et s'ils traversent la mer, ils se répandront à nouveau, telle une pandémie.

L'âge venant, Joël Houssin craint plus que jamais notre haïssable humanité.

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Brian & Wendy Froud : Trolls

recueil d'illustrations de Fantasy, 2012

Philippe Curval, billet du 27 septembre 2012

par ailleurs :

Depuis quelque temps, les éditions Fetjaine m'envoient de beaux livres, comme Enquête sur les loups-garous de Fabrice Colin et Jérôme Noirez. Ou le Haut elfique pour les débutants, une initiation à la langue elfique ou quenya réalisée sous forme de dictionnaire par Édouard Kloczko, linguiste spécialiste de J.R.R. Tolkien.

Bien que je ne sois pas très sensible à ces sujets, j'avoue prendre plaisir à compulser ces ouvrages car ils sont fort bien édités. Mais à la réception de Trolls, par Brian et Wendy Froud, je ne peux résister à en parler, tant la qualité des récits, des informations est généreuse, celle des illustrations est inventive. Vieux trolls, trollesses, trolls farceurs, trolls à trois têtes, trolls à poils durs — j'en invente, bien sûr —, troll de tram (ce calembour est signé Robert Louit), défilent devant nos yeux avec le réalisme saisissant des images d'enfance.

Mais arrêtons là ce sursaut de faiblesse, sinon, je risque de verser dans “fantasy chez les ploucs”. Car, dans ce domaine, je me flatte d'en être un !

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