Chroniques de Philippe Curval

Catherine Dufour : l'Accroissement mathématique du plaisir

nouvelles, 2008

chronique par Philippe Curval, 2008

par ailleurs :

Dans ses nouvelles, Catherine Dufour éprouve une volupté subversive à mêler les genres, féerie moderne, SF, Fantastique. N'en résumer qu'une nuirait aux dix-neuf autres tant les sujets, les points de vue, les émotions varient. Elle ne fait pas partie de ces écrivains qui entortillent le lecteur dans le labyrinthe de leurs intrigues. À l'inverse, elle procède par ruptures, décalages, fausses chutes. Un jeu de trapèze volant qui vous expulse de la barre fixe du récit. Pour vous rattraper par un tour d'équilibre angoissant au paragraphe suivant. Cela sans artifice, par le travail serré de l'écriture où chaque mot est compté, chaque phrase pesée pour atteindre son but. Qui n'est pas de nous égarer, mais de nous dévoiler les désaccords secrets du réel et de l'imaginaire. Ou, comment les alternatives de la pensée, sans cesse située entre le désir d'entreprendre et celui de renoncer, nous incitent à changer de cap, à nous réfugier dans des conjonctures parallèles qui sont autant de pièges. Souvent plus énigmatiques que ceux de la vie réelle. À cela s'ajoute un humour abrasif qui dynamite les certitudes. Catherine Dufour ne joue pas à placer ses personnages en situation de péril pour le simple délice d'exercer son art de la narration. Elle s'attaque aux conflits entre l'inconnu et le connu pour mettre à mal nos convictions, déchiqueter les conventions, bref, pour nous suggérer que le siège éjectable sur lequel notre société est assise ne nous conduira pas vers un destin acquis d'avance.

Par son sens de la litote, son style inimitable, sa créativité, l'Accroissement mathématique du plaisir s'affirme l'un des recueils les plus jouissifs de l'année.

Philippe Curval → le Magazine littéraire, nº 480, novembre 2008