Chroniques de Philippe Curval

Elizabeth Moon : la Vitesse de l'obscurité

(the Speed of dark, 2002)

roman de Science-Fiction

chronique par Philippe Curval, 2006

par ailleurs :
Demain, l'autisme

Non seulement son titre est superbe, mais ce roman s'avère simple et émouvant, ce qui est rarement ce qu'on recherche dans le genre qui nous occupe, il faut bien l'admettre. Parce que l'idée de Science-Fiction, dépouillée à l'extrême, permet une immersion du personnage central dans la vie quotidienne qui sert d'écho à ses pensées, ses angoisses, ses espoirs par rapport à son état, nous rend sensible le monde obscur au milieu duquel il se débat. Dans un futur proche où l'autisme a été neutralisé chez les bébés, Lou Arrendale fait partie de la dernière génération de ceux qui ont été soignés, intégrés malgré le mal. Fasciné par la géométrie, sa forme d'esprit particulière lui permet de définir des structures là où l'homme ordinaire n'aperçoit rien. C'est pourquoi il travaille pour l'industrie avec d'autres autistes. En milieu protégé, ce qui coûte trop cher à la firme pense son nouveau directeur. Pourquoi ne pas leur offrir de devenir normaux — ou mieux, les y contraindre — grâce à un récent traitement expérimental ? Ainsi, Lou n'aura plus à redouter la vitesse de l'obscurité devant laquelle il court depuis sa naissance pour atteindre la lumière de la normalité.

Oui, mais voilà, celui qui naît autiste a appris durant sa jeunesse à compenser le sentiment de distance qu'il ressent à l'égard d'autrui, de la société, à s'affirmer malgré le dépaysement constant, la peur de l'imprévu qui l'obsèdent. Lou est devenu Lou malgré ces handicaps. Il croit aimer Marjory, son talent en escrime est reconnu. A-t-il vraiment envie de se transformer demain en un autre dont il ne sait rien ? La quête de la normalité entraîne-t-elle fatalement la perte de l'identité ? C'est tout le sujet du livre, son universalité mais aussi son originalité vraie, puisqu'il aborde un problème général sous l'angle de la singularité. Récompensé aux USA par le prix Nebula 2004, peu souvent un gage de qualité, la Vitesse de l'obscurité en mériterait un second, plus rare, celui de la simplicité.

Philippe Curval → le Magazine littéraire, nº 450, février 2006

Elizabeth Moon : Héroïne d'un jour

(Once a hero, 1997)

roman de Science-Fiction

chronique par Philippe Curval, 2006

par ailleurs :

Ce qui n'est pas exactement le cas pour un second roman d'Elizabeth Moon qui vient de paraître ce même mois, dans une nouvelle collection de SF dirigée par Jean-Claude Dunyach aux éditions Bragelonne. Même si Héroïne d'un jour est mené avec maîtrise, il s'agit d'un space opera sans audace ni extravagance. Avec, pour fil conducteur, le fait que son auteure fut autrefois marine durant la guerre du Việt Nam, et qu'elle nous offre donc le regard d'une militaire sur la guerre dans l'espace.

Philippe Curval → le Magazine littéraire, nº 450, février 2006