Sauter la navigation

 
Vous êtes ici : Quarante-Deux KWS Sommaire du nº 49 Zombies

Keep Watching the Skies! nº 49, juillet 2004

Jean-Pierre Andrevon : Zombies | un Horizon de cendres

roman fantastique ~ chroniqué par Philippe Paygnard

 Chercher ce livre sur amazon.fr

Il paraît que c'est la faute de ce satané trou noir dont la désintégration balance sur notre Terre d'étranges radiations. Ce seraient elles qui provoquent la rétroaction du processus biologique et la “résurrection” des morts, de tous les morts de notre planète. Kemper, directeur d'un funérarium, croit à peine à cette explication, par contre, il est sûr que les morts sortent de leur tombe et ne veulent pas forcément du bien aux vivants.

Écrivain tout terrain, auteur de polars comme de romans de SF, scénariste de bandes dessinées, chroniqueur, critique, etc., Jean-Pierre Andrevon nous invite avec Zombies : un horizon de cendres à revisiter une thématique classique du Fantastique : les morts vivants.

Popularisés au cinéma par George A. Romero et sa trilogie des morts vivants [1] , les zombies, qu'ils soient nés du vaudou ou d'expérimentations scientifiques, font partie des créatures incontournables de la littérature fantastique. Ils ont ainsi fait les beaux jours de la défunte collection "Gore" du Fleuve Noir où John Russo, co-scénariste du premier film de Romero et auteur de quelques romans bien sanglants, donnait sa propre version de la célèbre trilogie [2] .

Ces dernières années, loin de disparaître du paysage fantastique les morts vivants connaissent une seconde jeunesse avec le succès mondial de la série de jeux vidéo Resident evil, de ses déclinaisons et dérivés de tout poil [3] . Plus récemment encore, le dessinateur américain Guy Davis, avec son scénariste Jerry Frissen, en a fait les personnages principaux de leur série pleine d'humour noir et de dérision morbide : the Zombies that ate the world, dans les pages du nouveau et franco-américain Métal hurlant.

Mais pour en revenir à la littérature fantastique, il faut bien constater que Jean-Pierre Andrevon n'est pas le premier à renouer avec les morts vivants. D'autres romanciers connus se sont essayés avant lui à quelques variations sur ce thème. Loin de son cycle Hyperion, Dan Simmons a ainsi imaginé une étrange "Photo de classe" où un professeur se retrouve à la tête d'une classe d'enfants morts vivants. Alors que Poppy Z. Brite nous fait découvrir dans "Calcutta, seigneurs des nerfs" [4] , une ville où les vivants côtoient de manière fort étrange les morts vivants qui envahissent la capitale du Bengale Occidental. Et ce ne sont là que deux exemples parmi tant d'autres.

Avec un tel héritage, Jean-Pierre Andrevon se devait d'être à la hauteur. Il y réussit en reprenant les inévitables clichés du genre, tout en évitant le piège du grand guignol et sans omettre d'insuffler quelques idées nouvelles. On retrouve donc les habituels morts vivants dans un état de décomposition plus ou moins avancé, décrépis et lents, mais toujours nombreux et avides de matière cervicale. On retrouve aussi l'explication abracadabrante du retour à ce simulacre de vie des morts, ici les radiations issues d'un trou noir. Et si Andrevon prend le temps de décrire les morts vivants, c'est pour montrer qu'ils viennent de toutes les strates temporelles et qu'ils évoluent. Il n'insiste pas, comme John Russo le fait dans sa trilogie, sur leurs horribles festins. De plus, les zombies d'Andrevon ont tendance, à l'inverse de beaucoup d'autres, à se régénérer. L'un des personnages du roman se prend ainsi à rêver d'une cohabitation entre les derniers survivants et des morts vivants ayant retrouvé leur intelligence. À la fin du roman, les zombies se présenteraient presque comme de dignes remplaçants de l'espèce humaine. Mais, s'il ne mérite pas d'être sauvé, l'Homme mérite-t-il d'être remplacé ?

Vieux routier de l'écriture, Jean-Pierre Andrevon fait se succéder de courts chapitres pour nous entraîner à la suite de son héros. À l'évidence, le romancier ne cherche pas à faire peur avec des scènes de violence gratuite, mais il incite plutôt à la réflexion sur cette société moderne où tout ce qui semble acquis à jamais peut pourtant disparaître en un éclair. Zombies : un horizon de cendres est un livre qui fait plus que se laisser lire et qui donne à réfléchir.

Notes

[1]  La Nuit des morts vivants (1968), Zombie (1979) et le Jour des morts vivants (1985).

[2]  La Nuit des morts vivants, le Réveil des morts vivants & le Retour des morts vivants (Fleuve noir "Gore", 1985).

[3]  Parmi lesquels il y a les novellisations du jeu vidéo par S.D. Perry (au Fleuve noir depuis 2002), et du film par Thomas Day.

[4]  "Photo de classe" et "Calcutta, seigneur des nerfs" sont deux des nouvelles de l'anthologie Still dead, Book of the dead 2 dirigée par John Skipp et Craig Spector en 1992. "Photo de classe" a été publiée en France dans le Styx coule à l'envers (Denoël, 1997), alors que "Calcutta, seigneur des nerfs" est parue dans Contes de la fée verte (Denoël, 1997).