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Vous êtes ici : Quarante-Deux KWS Sommaire du nº 26 Axiomatique – 2

Keep Watching the Skies! nº 26, novembre 1997

Greg Egan : Axiomatique

(Axiomatic)

recueil de Science-Fiction ~ chroniqué par Éric Vial

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La cause est entendue, Greg Egan est un auteur de première importance. Et qui, comme tout grand auteur de S.-F., parle de nous. Doublement. En parlant de problèmes immédiats ou en gestation, non du côté du “social”, mais de celui des sciences, et de leurs conséquences, du côté de la biologie pour l'essentiel, d'abord. Ensuite, ou surtout, en parlant de l'identité, de ce qui fait qu'un être peut être qualifié d'humain, ou de vivant. “En abordant la question de l'être”, si on veut faire prétentieux.

Et comme si Egan est un très grand, la maison DLM est son prophète, on ne s'étonnera pas de la publication de ce recueil. Quatre nouvelles. Quatre histoires à la première personne. Quatre narrateurs. Le premier achète un implant permettant de se reconditionner, de croire dur comme fer à quelque chose auquel on ne croyait pas “normalement”. Le deuxième se réveille chaque matin depuis le début de sa vie consciente dans un corps différent, mais toujours dans la même ville, et toujours dans le corps d'un garçon, puis d'un homme de son âge. Le troisième, pour combler son désir de paternité, achète un être artificiel, un pseudo-bébé destiné à s'auto-détruire après quatre ans, et à ne jamais atteindre le stade de la conscience. Le dernier enquête sur une chimère, reproduction concrète de la panthère à tête de femme du tableau de Fernand Khnopff qui fournit la couverture du recueil. L'explication de la situation du deuxième relevant finalement de la médecine horrifique façon Mains d'Orlac, la cohérence thématique est assurément forte. Comme il y a partout retournements et interrogations, la tension est également un facteur d'homogénéité. Tout comme le fait que l'hypothèse de départ soit soigneusement tournée, retournée et soupesée — jusqu'à rendre par exemple plausible la permanence d'une identité à travers les changements quotidiens d'enveloppe charnelle. Et on en oublierait presque que la seconde histoire — la plus frappante, ou la plus angoissante peut-être, au bout du compte, celle en tous cas à laquelle je ne peux m'empêcher de revenir ici — ne relève pas de la Science-Fiction à proprement parler, la manipulation scientifique étant dramatiquement rudimentaire, l'explication relevant de la métaphysique, et l'affaire restant strictement individuelle, ne pouvant influer sur la société dans son ensemble, ce qui est le contraire de ce qui se passe dans les autres textes, encore que le ressort esthétique du dernier texte — qui renvoie d'ailleurs à une tendance de la S.-F. française d'il y a quelques années — limite l'effet des techniques utilisées.

Bref, on a affaire à quatre bons textes, le goût de chacun le portant à privilégier tel ou tel, et à les déclarer très bons, excellents, ou simplement grands. Et avec la cohérence en prime, cela justifie la lecture. Et la critique, alors que c'est un travail de chien que de parler de nouvelles, entre la tentation de résumer chacune, la nécessité de maintenir le suspense, etc. Allez-y donc de confiance.

Notes

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