Sauter la navigation

 
Vous êtes ici : Quarante-Deux Archives stellaires Gérard Klein préfaces et postfaces Jusqu'au…

Gérard Klein : préfaces et postfaces

David Brin : Jusqu'au cœur du soleil

Livre de poche nº 7175, mai 1995

David Brin, né en 1950, a fait des études d'astronomie et de physique qui ont profondément nourri son œuvre de Science-Fiction. Peu d'écrivains ont comme lui osé entraîner leurs héros [Couverture du volume]sinon Jusqu'au cœur du soleil du moins dans sa chromosphère en décrivant pour y parvenir des moyens plausibles.

Mais Brin est aussi et peut-être surtout un créateur de personnages et un grand créateur d'espèces. Dans sa série des Élévations, où le présent roman occupe la première place, il multiplie les figures d'extraterrestres et les déploie dans un contexte particulièrement ingénieux.

Dans cet avenir à demi lointain, l'humanité lance ses premières expéditions interstellaires. Et elle établit, très vite, par accident semble-t-il, un Contact. Elle entre dans la grande société galactique.

Cela lui donne quelques avantages apparents. Par exemple l'accès à la Grande Bibliothèque Galactique et à son trésor de connaissances. Du moins en partie car les vieilles civilisations galactiques ne vont certes pas livrer d'un coup les secrets de techniques souvent redoutables à une espèce à peine descendue de ses arbres et qui donne de dangereux signes d'instabilité. Si elle est sage, l'humanité obtiendra progressivement quelques miettes du formidable patrimoine galactique.

Au surplus, l'humanité pose un problème inédit à la civilisation galactique, si l'on peut donner ce nom à la trame très lâche de cultures et d'espèces qui se sont entredécouvertes au fil des millions d'années et qui ont pour principal point commun de respirer de l'oxygène.

C'est que l'humanité semble n'avoir jamais eu de Patron, paraît s'être développée toute seule, ce qui la mettrait à part dans les annales de la galaxie.

Toutes les autres espèces intelligentes ont acquis leur statut après avoir été élevées et parfois modifiées par des espèces plus anciennes, les Patrons. C'est le processus de l'Élévation. Et l'on peut remonter ainsi à travers des dizaines de millions d'années jusqu'à la première de toutes, celle des Créateurs qui a, au demeurant, quitté la galaxie et peut-être bien l'univers et qui a initié la chaîne des intelligences. En échange de cette sollicitude, les espèces élevées doivent à leur Patron une servitude de quelques centaines de milliers d'années. Elles pourront à leur tour élever d'autres espèces. L'ancienneté et la noblesse d'une civilisation se reconnaissent au nombre de maillons des chaînes auxquelles elle a donné naissance.

L'absence de Patron connu ne suffirait pas à éviter à l'humanité la sollicitude encombrante d'une espèce plus avancée. Mais, par pure chance, les Terriens ont satisfait peu de temps avant le contact à la condition principale de leur autonomie : ils ont eux-mêmes introduit à l'intelligence deux espèces de leur planète, celle des chimpanzés et celle des dauphins. Ils sont donc devenus eux-mêmes des Patrons. Bien que cela fasse grincer bien des dents et quelques écailles à travers la galaxie, les espèces les plus respectables ne peuvent pas leur refuser le statut d'égaux.

Sur la Terre elle-même, deux camps s'opposent, parfois violemment. Celui des Dänikiens, disciples d'un obscur écrivain allemand, von Däniken, qui prétendent que l'humanité a été éveillée et initiée par des astronautes de la préhistoire ; et celui des Peaux qui affirment que l'humanité s'est faite toute seule. Les premiers révèrent les Extraterrestres presque à l'égal de dieux, les seconds rejettent toute mise sous tutelle, même légère, de l'humanité.

Et si la solution se trouvait au cœur du soleil ? Certains prétendent que les initiateurs de l'humanité sont venus de la chromosphère. Mais la Bibliothèque Galactique n'en a conservé aucune trace, ce qui est difficilement admissible, si cela s'était réellement produit, pour un galactique conséquent qui d'un autre côté aimerait bien voir l'humanité choir de son piédestal.

Il suffit d'aller y voir. Mais visiter le soleil n'est pas une entreprise de tout repos. Il y fait aussi chaud qu'en enfer.

David Brin est assurément un optimiste. Certes, il tempère sa conception plutôt idéaliste d'espèces se faisant accéder les unes les autres à l'intelligence et à la civilisation par la manifestation d'égoïsmes bien tempérés et de quelques petitesses surprenantes de la part d'espèces millionnaires en années. Il fait même allusion à quelques guerres et autres djihads bien sentis. Mais il peint un tableau plutôt rassurant de la grande civilisation galactique, où l'entraide et le respect mutuel l'emportent largement sur la conception darwinienne de l'existence.

Il accorde aussi à l'humanité un statut très privilégié, celui d'une espèce dynamique, curieuse, soucieuse d'aller toujours de l'avant et qui conquerra sans aucun doute les étoiles. Ce n'est pas de nos jours un point de vue si répandu.

Et si David Brin avait raison…

On aura en tout cas avantage, après cette plongée au cœur du soleil, à se rafraîchir en lisant Au cœur de la comète, l'étonnant roman qu'il a écrit bien des années plus tard avec Gregory Benford et qui rapporte l'une des étapes de la mutation de l'espèce humaine vers… autre chose.