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Vous êtes ici : Quarante-Deux Archives stellaires Gérard Klein : à l'auteur inconnu 1

Gérard Klein

À l'auteur inconnu 1

Première parution : NLM 11, novembre 1987

Pour bien des auteurs débutants et parfois même chevronnés, les arcanes de l'édition apparaissent mystérieux, ses délais inacceptables, ses exigences excessives et ses refus carrément sadiques sinon frauduleux. Je voudrais tenter de faire bénéficier dans cette rubrique des lecteurs d'Infini, certes tous écrivains professionnels et aguerris, des enseignements d'une trentaine d'années d'expérience pendant lesquelles j'ai occupé à peu près toutes les situations concevables, devant, derrière, sur et sous le comptoir.

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Premier problème banal et essentiel : la présentation du manuscrit. On supposerait le problème résolu depuis longtemps mais la fréquentation des services des manuscrits et des services de fabrication montrent qu'il n'en est rien. Une bonne présentation d'un manuscrit, si elle ne garantit ni la publication ni le succès, donnera du moins à votre texte immortel une meilleure chance d'être examiné avec bienveillance. Simple question de bon sens. Les lecteurs professionnels lisent beaucoup et ils ont les yeux fatigués, l'attention fluctuante et l'humeur vindicative.

Aucune maison d'édition n'accepte plus depuis longtemps de manuscrit au sens strict, c'est-à-dire écrit à la main. Tout texte doit donc être impérativement dactylographié, ou sorti d'imprimante si vous avec le bonheur de disposer d'un ordinateur.

Une page normalisée compte 25 lignes de 60 signes, soit 1 500 signes et espaces. Vous n'êtes pas obligé d'adopter cette norme mais dites-vous qu'elle facilite la lecture. Ne descendez jamais en dessous du double interligne et n'hésitez pas à adopter le triple interligne. Certains professionnels anglo-saxons descendent à 1 200 signes par page et ils ont peut-être raison. Proscrivez absolument les pages de 2 500 signes sans marges et sans interlignes. Superficiellement, cela ravit le cœur du débutant qui se donne l'impression de vraies pages imprimées, mais l'œil du professionnel dévissera immanquablement sur ces falaises encrées.

Commencez chaque chapitre sur une nouvelle page.

Paginez, c'est-à-dire numérotez vos pages, de préférence en haut de page. Si vos chapitres (ou, alas, alas, alas, vos nouvelles) sont numérotés indépendamment, repaginez l'ensemble de votre manuscrit, à la main si nécessaire. Imaginez l'effroi et la fureur du lecteur qui vient de laisser s'envoler sept cents pages non paginées. Cela arrive régulièrement.

Essayez de respecter l'orthographe et les règles élémentaires de la ponctuation. Mais ne vous croyez pas obligés de retaper une page pour un accent. Les corrections manuelles sont acceptées et même dans une certaine mesure attendues. Un manuscrit à la présentation trop parfaite est souvent considéré avec suspicion : l'auteur ne s'est probablement pas relu. Mais ne surchargez pas vos manuscrits de repentirs balzaco-proustiens.

N'écrivez ou n'imprimez qu'au recto des pages. N'utilisez jamais la facilité de certaines photocopieuses qui reproduisent au recto et au verso. Un manuscrit n'est pas un livre.

Évitez absolument de relier de quelque façon que ce soit votre manuscrit. Ou de le présenter dans une coûteuse reliure à ressorts : elle sera certainement perdue, ou pis jetée. Un lecteur professionnel aime les feuilles volantes qui lui permettent de fractionner le manuscrit, de le lire au lit, dans son bain, etc.

N'oubliez pas de mentionner en bonne place sur la page de titre vos noms, adresse et numéro de téléphone. La lettre d'accompagnement qui contient généralement ces indications peut se trouver séparée du manuscrit. Si vous utilisez un pseudonyme — ce qui est complètement inutile à ce stade —, indiquez clairement votre vrai nom. Des placards entiers, dans toutes les maisons d'édition, sont pleins de manuscrits d'auteurs inconnus et introuvables.

Si vous vous servez d'un ordinateur, respectez scrupuleusement les indications suivantes :

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Vous pouvez, sans que ce soit absolument nécessaire, accompagner votre manuscrit d'un résumé de votre livre, d'un feuillet au grand maximum. Un résumé, pas un argumentaire. Ce résumé n'influera pas sur la décision mais il peut l'accélérer s'il y a eu manifestement erreur d'orientation. Il est inutile et même déconseillé d'y joindre un projet de quatrième de couverture ou un panégyrique.

La lettre d'accompagnement, indispensable, manuscrite ou dactylographiée, sera raisonnablement brève. Bien que les éditeurs soient parfois vaniteux, il est inutile de leur témoigner à longueur de pages une admiration obséquieuse ; ils sont aussi méfiants… Il est également inutile de leur chanter les louanges de votre œuvre. Ou de la dénigrer. Mais si vous avez quelque argument précis à faire valoir, c'est le lieu.

Les lettres de recommandation, même si elles émanent d'un académicien, sont en général inutiles voire nuisibles. Tout professionnel sait qu'elles sont en général de pure forme. Si toutefois quelqu'un de bien placé vous a conseillé authentiquement de vous adresser à tel ou tel éditeur, n'hésitez pas à l'indiquer. Il m'arrive assez fréquemment de réorienter des manuscrits, parfois avec succès.

Ne mentez jamais. L'édition est un petit monde où tout finit par se savoir.

Vous pouvez joindre à cette lettre un bref curriculum vitæ. On aime bien savoir à qui on a affaire. Indiquez sans fioritures votre âge, votre formation, votre profession. Si vous n'avez ni formation ni profession, ce n'est pas grave. Ici encore, ne mentez jamais.

Tout cela est affaire de bons sens et de courtoisie. Mettez-vous à la place du destinataire et dans la plupart des cas, vous trouverez vous-même ce qu'il convient de faire.

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Dans ma prochaine rubrique, j'aborderai les rouages internes d'une maison d'édition.