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Roger Bozzetto : écrits sur la Science-Fiction

les Univers des sciences-fictions

Conférence organisée le 8 avril 2000, à l'occasion de l'exposition Siudmak à Grande-Synthe (du 1er au 24 avril 2000)

Je dis bien les univers car la SF touche maintenant aussi bien la littérature que les autres médias. Pour la littérature voir les collections — “Ailleurs et demain” chez Laffont ; J'ai lu, L'Atalante, Mnémos, Livre de poche, Fleuve noir etc. et les revues comme Galaxie, Yellow submarine, Bifrost, SF magazine — avec au Québec Solaris, ainsi que, partout dans le monde et en France des dizaines de fanzines ; les BD voir par exemple John Diffool de Moebius et Jodorowski, ou plus ancien les Valérian de Mézière, sans compter dans le temps Les pionniers de l'espérance. Les films depuis Méliès Le voyage dans la lune jusqu'au dernier Alien ou à Matrix, cube, ExistenZ, ou Dans la peau de John Malkowitz, et la télé voir les séries Star Trek pour ne prendre qu'un exemple, mais il y a au moins Quantum, Stargate, Sliders etc. Les revues, les fanzines, les banques de données, les sites sur internet (je ne citerai personne… ou alors Quarante-Deux.) les listes de diffusion comme “SF-info” etc. Tout ceci constitue une sorte d'univers parallèle qui une fois par an au moins en France se retrouve en conventions nationales — la dernière à Lodève, la prochaine à l'Îsle-sur-la-Sorgue, ou européennes tous les deux ans, et mondiales souvent aux USA parfois en Europe. Sans oublier Poitiers et Utopia au Futuroscope, et bientôt Nantes.

La SF et son univers parallèle (par rapport à la “littérature”) apparaît aussi, de l'extérieur, comme une sorte de religion, avec ses dieux (les auteurs) ses rites (les conventions, les prix) ses serviteurs (les critiques de sites de zines ou de revues) et ses fidèles : les lecteurs, les spectateurs. À ceci près que — à la différence de ce qui se passe en religion — l'on peut descendre en flamme les dieux, que le clergé des critiques n'est pas suivi dans ses décisions par la masse des fidèles — qui en général ne lisent pas les critiques. Cependant, ici pas d'interdictions — sauf une, majeure. On ne confond pas la SF et le fantastique : même si on fréquente les deux églises on ne se trompe pas de tabernacle.

Celà dit, cet univers de la SF n'est pas monolithique : d'une part la SF se veut différente de la “fantasy”, d'autre part dans la SF elle même il y a les tenants de la “hard science” et les autres.

Voyons ces différences :

La SF n'est pas le fantastique.

La SF présente des personnages qui vivent des aventures dans des univers qu'elle propose comme différents du monde quotidien, mais qu'elle présente comme vraisemblables. Ce sont des voyages dans des univers imaginaires. Mais imaginaire ne signifie pas délirant : le rapport avec notre monde doit être maintenu. Soit par extrapolation, soit encore par l'effet papillon (cf. Bradbury “un Coup de tonnerre”) Cela donne le futur de Dark City, ou celui de Soleil vert, ou de Blade Runner celui des Fondation ou des Robots d'Asimov ou le post cataclysmique de Ravages de Barjavel, ou Hello l'Amérique de Ballard. Ou encore des ailleurs comme le Dune de Herbert et les planètes étrangères de toute sorte. Ou des passés reconstruits par des voyageurs temporels comme Les vaisseaux du temps de Baxter, qui sont une suite de La machine à explorer le temps de Wells. Avec des paradoxes temporels comme ceux du voyageur imprudent de Barjavel ou de Retour vers le futur. Ce sont aussi des relectures de la réalité du présent comme chez Dick pensez à Ubik. Des utopies comme les Dépossédés de Le Guin, des contre utopies comme Le meilleur des mondes d'Huxley ou 1984 d'Orwell, des uchronies : du type si Napoléon avait gagné à Waterloo, ou si Hitler était demeuré le peintre qu'il rêvait d'être au lieu de faire de la politique, et qu'il s'était mis à écrire de la SF (Rêve de fer)

Tous ces univers de la SF sont créés par analogie avec la réalité, par extrapolation de ce qui est connu, mais subissent un léger gauchissement comme une sorte d'anamorphose. De plus ils sont donnés comme solides, cohérents, et possibles. On ne met jamais en doute la réalité de ce qui est présenté, même si on ne la comprend pas totalement. C'est en ce sens que, comme le roman historique, le roman policier, ou le roman de mœurs de type Madame Bovary ou encore le dernier Goncourt, la SF s'inscrit dans le domaine de la représentation d'une réalité par un médium (le langage, la peinture, le cinéma). Cette réalité peut être peinte comme joyeuse, euphorique, tragique, ou horrible — comme dans la vie de tous les jours : elle est présentée comme une réalité, même si c'est une réalité imaginaire ou encore si l'on veut “virtuelle”. Mais l'est elle plus que dans Madame Bovary ? la question peut se poser. Ajoutons que nous avons affaire depuis quelque temps à d'autres réalités virtuelles, soit au plan des images, dites de synthèse, soit au plan des univers représentés comme on le voit dans Videodrome ou plus récemment dans ExistenZ, — les deux films de Cronenberg, et où la différence entre le monde de référence et le monde du jeu n'est plus perceptible. Ni par les joueurs (ils se branchent le bas du dos à une console) ni par les spectateurs (qui n'ont plus de références extérieures) Mais on demeure encore dans un univers de SF, celui de la représentation même si on joue sur ses codes et si l'on efface la barrière entre exercice des fantasmes dans le jeu, et exercice de ces mêmes fantasmes dans la réalité de départ. C'est une sorte de jeu sur la représentation comme dans ces tableaux de Magritte qui font se prolonger le cadre du tableau dans celui de la ville représentée. Ce sont là des expériences de jeu faites dans l'imaginaire — et chacun sait que le jeu c'est ce qu'il y a de plus sérieux au monde.

Dans le fantastique les choses sont différentes. Le sentiment de fantastique naît non pas devant l'imaginaire, mais l'inimaginable, le fait que ce soit impossible et pourtant là. Que le monde que l'on croyait stable, dont on semblait avoir connaissance se révèle autre, mais inconnaissable, totalement alien — ce qui crée des effets de terreur, d'angoisse etc. Pensez à La Vénus d'Ille par exemple. Ou au Horlà — pour demeurer chez les classiques du genre.

On proposera comme exemple de film fantastique La maison du diable : une maison hantée qui se conduit envers les habitants comme une sorte de tueur, sans qu'on sache pourquoi. Ou encore Misery. Là ce n'est plus la surnature mais la folie d'un personnage qui joue le même rôle que la maison hantée dans le film de Wise. On peut évidemment penser à des films gore comme Massacre à la tronçonneuse. Dans tous ces films ou ces textes, quelque chose d'innommable est là, sans explication et se conduit de manière à dérégler la vision que nous avons de la réalité du quotidien telle que nous attendons qu'elle soit.

Comparons avec des productions de SF.

Un exemple d'horreur engendré par la SF : dans Soleil vert, le héros découvre après une enquête de type aventures dangereuses que la nourriture distribuée par la cité à ceux qui ne font pas partie de la nomenklatura est fabriquée à l'aide des cadavres humains recyclés. Il nous fait partager son horreur de la chose. Chose présentée comme réelle.

Il en va de même dans Alien. Nous sommes dans une sorte de métaphore du château hanté, qui est l'astronef Nostromo. Et là, se cache un monstre. Mais c'est un alien. Quelqu'un que l'on sait soumis à d'autres lois que les nôtres, par définition. Ce n'est pas une illusion. Ce n'est pas une créature surnaturelle. Pourtant nous sommes angoissés. Parce que le montage du film insiste sur le suspense, nous affronte à des scènes d'horreur comme celles des accouchements monstrueux, ou des copulations pendant lesquelles la chose immonde ensemence les humains avec des larves ET etc. ou qui plongent les humains dans le visqueux des œufs et des sortes de mélange toile d'araignées glauques et transparence gélatineuse des œufs vivants etc. Nous sommes en face d'une machine à créer la peur en jouant sur les nerfs des spectateurs et sur des réflexes archaïques. Mais le monde dans lequel on se trouve c'est un monde issu de la technique humaine, future, un univers commercial issu des développements scientifiques techniques et économiques des multinationales du futur. Rien là de fantastique : une légère et désagréable extrapolation.

Cela étant il est évident que la série des Alien renvoie à un type de film qui provoque des effets de terreur et d'angoisse, ou même d'horreur — et que certains films fantastiques aussi. Mais ce n'est pas une raison pour tout confondre : rien dans Alien n'est impossible. Tout est présenté au contraire comme imaginable. Alien est un film d'horreur situé dans le futur. Arpentons maintenant l'univers SF.

Arpentage du domaine

La SF se distingue de l'utopie pure car elle st narrative et non discursive/dogmatique. Elle n'illustre pas directement un programme politique. Dans une utopie, en effet on trouve très peu de récit. On trouve un sage qui vous abreuve de discours qui expliquent pourquoi dans ce pays c'est mieux qu'ailleurs à cause de choix politiques nets — la meilleure illustration dans la vie courante, ce sont les discours de campagne électorale. Et ça manque d'animation.

Cela dit, si l'on combine un univers fonctionnant sur des règles différentes et un personnage qui l'explore et donc nous le découvre à travers des aventures cela devient de la SF.

Ailleurs, le personnage est situé dans une société qui se présente officiellement comme bonne, mais il se sent une victime et ses aventures servent à détruire l'image officielle de la société. On parle alors de contre utopie, ou de dystopie. c'est le cas de 1984, du Meilleur des Mondes, de Un bonheur insoutenable ou de Les monades urbaines, etc. Métropolis, vision de l'ingénieur (utopie) qui est très différente de l'ouvrier (contre utopie). La contre utopie est très proche de la SF car l'exploration de la réalité se fait par les yeux d'un personnage, donc d'une narration.

Il existe aussi des uchronies : des récits qui se situent dans la perspective du “et si Napoléon” etc. Soit ce sont des explications sous forme de discours comme pour l'utopie pure (Le Napoléon apocryphe par exemple) soit ce sont des récits uchroniques comme De peur que les ténèbres de Sprague de Camp ou comme “Un coup de tonnerre” de Bradbury.

Pour résumer

Les récits de SF s'appuient en général sur une hypothèse (du type et si…) pour développer ensuite une série d'aventures d'un héros ou d'un groupe qui à la fois explorent l'hypothèse de départ en vérifiant sa validité, et en même temps explorent l'univers créé par la réalisation de cette hypothèse.

Prenons un exemple : l'Homme qui rétrécit (Matheson) avec deux points de départ qui sont que les atomes sont comme des soleils en miniature (cf. Niels Bohr), et qu'un homme qui est exposé à un jet de particules peut voir sa taille se rétrécir. Le tout va consister à confronter un homme à la réalité de son univers stable alors qu'il rapetisse : ainsi comme dans les voyages de Gulliver, il sera obligé de se défendre contre des animaux énormes que sont pour lui un chat, un rat, une araignée, animaux qui à son échelle deviendront des monstres géants. Jusqu'au moment où devenu si petit, il va se retrouver dans un autre monde celui de l'atome, sur une planète électron qui tourne autour d'un soleil noyau. Le texte (et le film) ont mis en place une hypothèse, ils l'illustrent par des scènes qui montrent le regard qui change sur le monde selon la taille de celui qui regarde, jusqu'au point où en vertu de la même hypothèse le personnage se retrouve dans un ailleurs électronique.

Le problème des hypothèses de départ va permettre de différencier les types de SF et en même temps les distinguer de l'heroic fantasy.

Si l'hypothèse de départ est solidement extrapolée d'une donnée plausible ou connue, on sera dans le cadre de la “hard science” comme chez Jules Verne ou Hal Clement.

Un exemple Le voyage fantastique, d'après Asimov, part de l'idée qu'il est possible de réduire un sous-marin et son équipage afin qu'une équipe médicale aille déboucher le vaisseau artériel d'un savant. Tout le reste renvoie au récit des aventures, mais appuyées sur la réalité connue de l'intérieur du corps humain : vaisseaux artériels et lymphatiques qui se croisent et dont il faut une carte pour arriver à bon port, attaque de lymphocytes qui prennent le sous-marin pour une intrusion microbienne etc. traversée du cœur avec les remous occasionnés par le battement et les flux de sang etc. et sortie mélodramatique dans le flot d'une larme.

Autre cas : Si c'est une hypothèse de départ plausible mais qui ne sert qu'à installer un univers, on se retrouve dans des films comme Mad Max, Overworld, ou même Blade Runner. Ce qui importe dans ces films, c'est plus le développement des aventures que l'exploration d'une hypothèse par une fiction. La série des Alien est exemplaire de ce point de vue : elle exploite toutes les variantes d'une hypothèse initiale : il existe des monstres sur des planètes et ceux ci ont besoin de supports étrangers pour se reproduire : ils se servent des corps humains comme incubateurs et nourriture de l'embryon. Le reste narre les diverses formes de la lutte entre la jeune fille et le monstre dans un espace restreint. Une variante du conte de fées. Au rebours de toutes les histoires machistes de SF, c'est ici une héroïne qui survit après la mort des hommes de l'équipage.

Notons que plus l'hypothèse de départ est faible au plan de l'extrapolation et plus ce sont les aventures qui prennent le pas sur le côté vraiment SF. Opposer par exemple la Guerre des étoiles ou son dernier avatar La menace fantôme à Starship Troopers.

Dans Starship, il y a une histoire construite autour d'une hypothèse : des E.T. et des hommes s'opposent pour le contrôle d'une planète, de jeunes gens s'entraînent à devenir des soldats et sont confrontés à ces ET. Il y a là une justification des effets spéciaux car les monstres ont une forme spéciale, une stratégie et des armes sans comparaison avec celles des humains. D'où la nécessité d'effets spéciaux

Dans les films de Lucas ce qui importe ce sont les images, les scènes à effet, tout ce qui ravit l'œil, comme dans la publicité. Pour le reste, pas grand chose au plan de l'histoire. Cela ne signifie pas que ce ne soient pas des films passionnants, mais les effets visuels semblent presque détachés de l'histoire : on a une série de clips articulés à une histoire de type conte de fées. On peut rattacher à ces films des romans comme ceux d'Ann Mac Caffrey avec les Histoires de Dragon.

Si on descend encore plus dans la faiblesse du lien entre l'extrapolation et le récit on se trouve dans le monde de la “fantasy” pure qui n'est plus de la SF. Avec peu d'exemples réussis en tant que films, on évitera de parler de Conan le barbare et on signalera Dark cristal. en attendant la nouvelle version du Seigneur des anneaux.

Et nous avons des textes, ceux de Tolkien comme Bilbo le Hobbit ou le Seigneur des anneaux ainsi que tout une série d'auteurs qui jouent sur cette thématique comme Moorcock avec sa série d'Elric le nécromancien et bien d'autres depuis comme Terry Pratchett ou même J.-P. Andrevon et sa saga de Gandahar.

On a fait le tour sinon de la question au moins des apparences les plus incontestables de ces productions imaginaires. la question qui se pose est alors celle ci :

Pourquoi cet intérêt pour ces aventures imaginaires, que ce soit par les textes, le cinéma ou les jeux ?

Pour les jeux, la chose s'explique : il est difficile de faire sur route des courses de voiture conduites à 300 à l'heure. Sur écran c'est possible. Ailleurs c'est dans des décors “exotiques” que se passent les combats, que s'affrontent les énigmes. La SF avec tout ce qu'elle offre aux concepteurs, qui ne sont pas bridés par la nécessité de ressemblance avec la réalité s'en donnent à cœur joie. De ce point de vue La menace fantôme est semblable à une sorte de gigantesque et de grandiose décor de jeu, mais il n'est pas interactif.

Que ce soit pour le cinéma ou les textes, la visée est la même : il s'agit de ruser avec les limites de l'imaginable, de se laisser aller à une sorte de rêverie devant des images d'objets, de lieux, de temps. de se laisser porter par une sorte de rêverie éveillée, vers le plaisir ou l'horreur, le rêve ou le cauchemar.

Outre ce plaisir qui permet d'échapper à la quotidienneté l'aspect d'évasion (escapism), la distanciation qui se fait par le déplacement dans un espace ou un temps différent permet une mise en perspective des éléments, des normes, des lois dans lesquelles on vit. On peut porter sur la société où l'on vit un regard de martien, de Candide, et s'étonner de ce qui à la longue paraît normal, mais qui ne l'est pas forcément. Un peu comme lorsqu'on est confronté à des coutumes différentes dans un pays étranger. Lorsqu'on les a intériorisées et qu'on rentre chez soi on a un regard un peu étonné devant ce qui nous paraissait une norme logique et qui semble curieux. On a du mal à manger avec des baguettes au début quand on va en Chine, puis au retour l'usage de la fourchette n'est plus une norme, mais un choix.

Le racisme peut être abordé de manière moins stressante grâce à la mise en scène de mutants, voyez de Van Vogt À la poursuite des slans. Tuer des êtres simplement parce qu'ils sont différents, c'est difficile à argumenter. Cela passe mieux s'il s'agit de robots qui se révoltent ou de répliquants comme dans Blade Runner. Mais cela amène à réfléchir, sans trop de stress. De plus, on peut alors plus facilement en discuter, ou y penser sans forcément s'impliquer émotionnellement.

S'approprier une planète nouvelle parce que les habitants n'ont pas les armes que nous possédons peut amener à réfléchir sur ce qu'est la colonisation.

Un film comme Docteur Folamour amène à s'interroger sur la maîtrise de la bombe atomique et sur le fait qu'elle est entre les mains de présidents entourés de militaires qui voient plus en elle un moyen de promotion qu'un objet de destruction de l'humanité, etc. Mais ce n'est pas pesant, c'est drôle, même si en fin de compte la planète explose. En fait, c'est bien tout ce qu'elle méritait — dans le film.

Mais la SF n'est pas simplement un moyen pédagogique pour amener le lecteur à de bons sentiments. La discussion, ou la réflexion doit toujours être jouissive, car on a en général pris plaisir à lire ou à voir.

En somme, la SF offre deux lectures complémentaires : l'une au premier degré purement ludique, l'autre, plus réflexive, mais tout aussi jouissive sur les mêmes textes. Cela ne peut qu'augmenter le plaisir que l'on a à en lire.

Les références bibliographiques sont sous la seule responsabilité de Roger Bozzetto ; celles qui ont été vérifiées par Quarante-Deux sont repérées par un astérisque.