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Vous êtes ici : Quarante-Deux KWS Sommaire du nº 58 Dimension Espagne

Keep Watching the Skies! nº 58, novembre 2007

Sylvie Miller : Dimension Espagne

anthologie de Science-Fiction

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chronique par Pascal J. Thomas

L'abonné maniaque à Galaxies et collectionneur d'anthologie pourra sans doute trouver à redire à ce recueil : matériel critique mis à part, tout ce qu'il contient a déjà été publié en français auparavant. Le panorama de la S.-F. espagnole de la fin du volume, parce qu'il est historique et comparatif, me semble particulièrement utile : à peu près n'importe quel francophone motivé peut lire le castillan — surtout si c'est un francophone imparfait du Midi —, et ce vade-mecum peut guider les premiers pas d'un découvreur de la S.-F. espagnole (castillanophone exclusivement en l'occurrence, je précise ; les autres langues de l'état espagnol ne sont pas représentées).

Je trouve curieux, comme pour l'anthologie de S.-F. hispanophone d'Amérique latine, le parti pris de l'anthologiste de la présentation par ordre alphabétique, comme une sorte de refus des avantages que peut offrir la composition raisonnée d'un volume. Par la grâce de la présence de Juan Miguel Aguilera, cela nous vaut un livre séquencé un peu comme sont les CD aujourd'hui : tout le meilleur au début, ou presque ! Les trois textes d'Aguilera sont effectivement tous passionnants, qu'il œuvre dans le time opera humoristique ("Dernière visite avant le Christ" : le thème n'est pas vraiment nouveau, mais le traitement est décapant), dans le space opera ("la Forêt de glace", qui me fait penser à du bon Varley, avec l'ajout d'extraterrestres vraiment surprenants), ou dans le cyberpunk référentiel ("Voyage au centre de l'Univers", qui met en scène Jules Verne).

Dommage que le livre, par contre, se conclue par deux textes d'Eduardo Vaquerizo, que je trouve nettement moins inspiré, que ce soit dans "une Terre pleine de questions" (les robots, désemparés par la disparition de l'homme, parcourent la planète en quête de maître : Brian Aldiss avait mieux fait quarante ans avant dans "Mais qui peut remplacer l'Homme ?"), ou dans "les Chemins du rêve", un space opera qui retrouve, coïncidence, un fragment d'idée qui rappelle le premier texte du volume, mais l'exploite beaucoup moins. Victor Conde m'a paru peu compréhensible, et Rafael Marín peu inspiré. Passons. "la Route" de Rodolfo Martínez, est un texte intéressant parce que dur, mais un peu trop long pour son propos. Dommage qu'on ait un autre texte du même Martínez juste avant, moins intéressant, et qui exploite le même style d'imagerie, ça affaiblit les deux à mon sens.

Elia Barceló, avec "les Réapparus", donne un bon texte de S.-F., disons, sociétale, qui joue sur des ressorts déjà beaucoup utilisés par Varley, James Patrick Kelly ou Silverberg. Mais c'est de l'ouvrage de qualité. Enfin, un texte mérite à lui seul l'achat du livre, "les Champs d'automne" de Daniel Mares1. Tout en respectant à la fois les canons contradictoires du roman noir — et donc, dans une certaine mesure, ceux du roman policier, qui s'épanouit sur un arrière-plan social connu et statique — et de la S.-F. — qui présente une société nouvelle et surprenante, et met souvent en scène son changement —, il parle avec humour et une justesse désabusée du problème de la gestion d'une population grandissante de personnes âgées dans les sociétés occidentales. Aussi fort à la deuxième lecture qu'à la première.

Bref, une anthologie de qualité, que vous voudrez acquérir si vous voulez découvrir la S.-F. espagnole, surtout si vous ne suivez pas régulièrement les publications en revues et en anthologies.

Notes

  1. À supposer que ne possédiez pas déjà Détectives de l'impossible, fort intéressante anthologie dirigée par Stéphane Nicot parue en 2002.