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Vous êtes ici : Quarante-Deux KWS Sommaire du nº 61 Morte saison

Keep Watching the Skies! nº 61, décembre 2008

Jack Ketchum : Morte saison

(Off season)

roman fantastique

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chronique par Philippe Paygnard

Jeune et dynamique éditrice new-yorkaise, Carla trouve enfin le temps de prendre quelques jours de repos bien mérités à la campagne. Dans ce coin perdu du Maine, non loin d'une petite ville baptisée Dead River, elle s'organise en attendant, avec une certaine anxiété, sa jeune sœur, Marjie, et les quelques amis qui doivent la rejoindre dans la maison isolée qu'elle a louée. Elle ne sait pas que Peters, le shérif de Dead River, vient d'entamer une enquête sur une agression d'une extrême violence et une série de mystérieuses disparitions qui ont eu lieu dans cette région en apparence si paisible.

Terre de mystères par excellence, le Maine est déjà le terrain de jeu de prédilection du maître du Fantastique qu'est Stephen King, comme de l'auteur de polars John Connolly. Avec Morte saison, Jack Ketchum invite ses lecteurs à découvrir un Maine sauvage où des créatures, qui n'ont d'humaines que la forme, traquent un gibier de circonstance fait de pêcheurs ou de touristes de passage. Grand classique de la littérature fantastique, le thème du cannibalisme fit ainsi les beaux jours de la collection "Gore" du Fleuve noir, entre 1985 et 1990, avec des titres comme Blood feast de L.E. Murphy, Fureur cannibale de Glenn Chandler ou Saison de mort de… Jack Ketchum. Ce dernier roman est tout particulièrement intéressant puisqu'il s'agit d'une première version d'Off season, publiée en 1980 dans une édition quelque peu censurée par Ballantine, et en 1986, dans une traduction française, elle-même légèrement tronquée par le Fleuve noir.

Ce n'est pas cette version que nous propose Bragelonne, mais bien l'Off season: the unexpurgated edition parue en 1999 chez Overlook Connection, où Jack Ketchum a pu, en toute liberté, réintégrer des scènes coupées et rétablir une fin moins heureuse et moins consensuelle que celle de l'édition Ballantine. Dans ce roman que l'on pourrait qualifier de jeunesse, puisque publié bien avant une Fille comme les autres, Jack Ketchum parvient, en quelques lignes, voire en quelques mots, à donner corps à chacun de ses personnages, pour mieux les démembrer quelques pages plus loin. Seules ses descriptions des anthropophages semblent moins abouties, comme si l'auteur voulait que leurs actes parlent pour eux. Actions horribles, atroces, sans autres justifications qu'alimentaires qui font d'eux des véritables monstres auxquels il n'est pas un seul instant possible de s'attacher, à l'inverse d'un maléfique, mais ô combien fascinant, Hannibal Lecter (surtout lorsqu'il est interprété par Anthony Hopkins).

Bizarrement, on retrouve dans Morte saison la même confrontation entre des citadins perdus en pleine campagne et des créatures plus proches de l'animal que de l'homme qui ressemble beaucoup à celle décrite par le cinéaste Wes Craven dans son film la Colline a des yeux en 1977. Cependant, même s'il aborde la même thématique, le roman de Ketchum n'est en rien une copie conforme du long-métrage de Craven, car, même si le lecteur se place tout naturellement du côté des victimes, la violence de l'intervention policière, qui frappe tout aussi bien les monstres que leurs proies, sème le doute et met en évidence que la société moderne, même réduite au microcosme de Dead River, est violente et sans pitié, y compris pour l'innocent. L'ultime question étant de savoir qui est innocent ?