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Keep Watching the Skies! nº 59, janvier 2008

Joan-Loís Cortial : la Filha vestida de negre

roman fantastique inédit en français

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chronique par Pascal J. Thomas

Jean est un jeune homme sans histoire jusqu'au moment où il passe par Espérignes le soir de la fête de la Lòga, soir de la Saint-Jean1. C'est là qu'il tombe sur des personnages que personne d'autre ne voit, un aigle dans le ciel, un joueur de grosse caisse que la fanfare n'a pas, et une mystérieuse fille en noir. En les suivant, il se retrouve plongé dans le passé moyenâgeux et cauchemardesque du château de Malimont, qui domine le bourg d'Espérignes de ses ruines haut perchées. La plongée n'a rien duré dans le monde d'aujourd'hui. Sorti du cauchemar, Jean se lie avec Méliane, une fille du comité des fêtes d'Espérignes, et commence à s'intéresser à la controverse qui déchire le village : l'ambitieux maire, Georges Loubatiers, veut transformer en casino les ruines du château de Malimont, au grand dam des écologistes et des défenseurs du patrimoine. Et qu'en pensent les fantômes du château ?

Cortial est rouergat jusqu'au bout des moustaches. Après une carrière d'artisan tourneur de quilles de huit (un jeu traditionnel toujours pratiqué en Aveyron), et de musicien, parolier et compositeur au sein notamment du groupe Fai Lum, il publie son premier roman. Le style, tout en phrases courtes, est inspiré par celui de Jean Boudou (Joan Bodon : un des auteurs occitans les plus connus du xxe siècle, aveyronnais lui aussi), le lieu m'évoque irrésistiblement Espalion (entre Rodez et l'Aubrac) et le château de Calmont d'Olt. Vu le portrait qui est brossé du maire, vus les événements extraordinaires et tragiques qui attendent la ville d'Espérignes, on comprend que l'auteur ait choisi de déguiser le cadre de son action sous les traits d'une bourgade fictive.

Le livre alterne, avec une structure de flashbacks en tranches originale — mais pas forcément entièrement réussie —, les phénomènes surnaturels sortis du monde médiéval, le récit satirique des entreprises du maire d'Espérignes, et la relation entre Jean et Méliane. La recette n'est pas neuve, et aurait pu être très réussie. Ici, je trouve que le lien entre le monde réel et son double fantastique n'est pas assez développé, et que l'histoire sentimentale de Jean et Méliane, indissociable des péripéties politico-culturelles espérignoles, est insuffisamment fouillée. Il manque sans doute trois cents pages de plus à ce livre pour que Cortial puisse être un Stephen King occitan ! Un peu plus de travail sur le style, qui pourrait moins faire appel à la répétition et plus à l'évocation, ne serait pas le malvenu. Mais c'est une première tentative intéressante.

Notes

  1. C'est traditionnellement pour la Saint Jean que se terminait l'année des ouvriers agricoles, et qu'ils pouvaient se “louer”, trouver un nouveau patron.