Sauter la navigation

 
Vous êtes ici : Quarante-Deux KWS Sommaire du nº 57 éditorial

Keep Watching the Skies! nº 57, août 2007

Éditorial

par Pascal J. Thomas

Les livres que l'on n'a pas lus

Il y a quelques mois, Pierre Bayard a fait sensation avec un ouvrage titré Comment parler des livres que l'on n'a pas lus ? N'ayant pas lu son ouvrage, je me trouve fort bien placé pour en parler. Même si, à KWS, notre politique est de lire les livres avant d'en parler, vous nous trouverez peut-être vieux jeu. Cela explique la minceur du présent numéro : j'ai du mal à trouver le temps de lire, et plus encore à trouver des lecteurs disposés à coucher sur le papier leurs réflexions post-lecture.

Mais l'argument de Pierre Bayard — à ce que j'en ai entendu dire — est plus sensé qu'il n'y paraît, et met en avant le rôle de la culture, vous savez, ce qui reste quand on a tout oublié : ce sont tous les autres livres qu'on a lus avant, tout l'environnement culturel, tout le discours qui peut être tenu sur la création, qui permet, avant même d'ouvrir un livre, d'avoir une idée assez précise de ce qu'on va y trouver. De ce point de vue, le défaut de mes chroniques dans KWS est désormais clair : non seulement je n'y parle pas de livres que je n'ai pas lus, mais, plus grave, je ne lis pas les livres dont je ne parle pas ! Il faut l'avouer, ma vie est gravement suroccupée (en français : surbookée) et fragmentée par d'autres intérêts, et un boulot trop prenant. Je ne lis plus assez de S.-F. D'où un manque de références contemporaines sur le genre, un manque de recul, qui peut m'amener à juger trop favorablement tel livre sans originalité — parce que je n'ai pas eu connaissance du modèle —, ou à ne pas comprendre tel autre, qui s'inscrit dans une tradition qui est pour moi terra incognita. Je ne puis que vous en présenter mes excuses, et renouveler mon appel récurrent : si vous voulez collaborer à KWS, la porte est grande ouverte. Pensez à la gloire. Euh, et oubliez le lucre, cela va sans dire…

La réalité dépasse la dystopie

Dans le dernier roman de Vernor Vinge, Rainbows End, une entreprise décidait de digitaliser une grande bibliothèque universitaire par un procédé pour le moins radical : faire passer tous les livres en vrac au broyeur, pulvériser les confetti de papier ainsi obtenus dans un tunnel équipé de multides de caméras, et utiliser de puissants algorithmes informatiques pour trier et recoller les fragments de texte ainsi filmés. Monstrueuse plaisanterie, penserez-vous. Aussi ai-je été intéressé d'apprendre, au détour d'un article de journal sur la décommunisation de l'Europe de l'Est, qu'une équipe d'informaticiens allemands avait été chargée de mettre au point des programmes pour décoder et exploiter les archives broyées en 1989 par la Stasi (la police politique communiste d'Allemagne de l'Est), à partir des caisses de bribes de papier, soigneusement conservées depuis… Finalement, la S.-F. continue de nous apprendre des choses sur le monde d'aujourd'hui.