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Vous êtes ici : Quarante-Deux KWS Sommaire du nº 57 Deux ans après

Keep Watching the Skies! nº 57, août 2007

Sean Christian ; Benjamin Griveaux : Deux ans après

roman de Politique-Fiction

chronique par Éric Vial

On part avec un préjugé favorable, car l'exercice est intéressant : un roman de politique-fiction racontant la France après deux ans de présidence de Nicoals Sarkozy, disponible gratuitement sur le web moins de quinze jours après l'élection d'icelui. C'est tentant. D'autant qu'a priori on pourra toujours s'abriter derrière une réplique des Tontons flingueurs, « Je ne dis pas que ce soit juste, je dis que ça soulage. ».

Aux premières pages, on déchante. Parce qu'il y a peu de chances que l'industrie de la self-défense soit le meilleur placement possible dans les prochains mois — quel aveu d'échec ce serait pour l'État. Parce qu'un « responsable de sécurité » recevant une « confortable rémunération » à raison de « soixante-trois centimes d'euro par an et par personne » pour un quartier de Paris devrait chapeauter un nombre d'habitants tel qu'il aurait sans doute du mal à les connaître toutes ou leur demander « quelques minutes » pour une conversation (faites un exercice d'arithmétique élémentaire). Ou parce que dans le portrait qui suit « Cette femme n'aurait jamais pu cacher qu'elle était institutrice », phrase déjà douteuse, transpirent un mépris et une haine directement hérités à la fois de Vichy et du pseudo-aristocratisme de certains authentiques nouveaux beaufs.

On n'est à ce moment-là qu'à la page 13, sur les soixante-dix-neuf du tirage papier de la chose. Et on n'a pas forcément envie de continuer. Même si cela permet de comprendre que le texte date quelque peu et n'a pas été accouché dans un effort surhumain aux alentours du second tour des présidentielles — ce qui pourrait pourtant faire pardonner des scories — : explications sur des élections présidentielles qui « s'étaient de nouveau jouées sur le terrain de la sécurité » et comme summum de la distinction bureautique et preuve des flots d'argent déversés sur la police, sur chaque bureau de commissariat… un iMac, le bon vieil engin démodé, sympathique et rondouillard sur lequel je tape ce texte. Il y aurait quelques autres petites choses amusantes, sur le moralisme supposé du gouvernement et la réprobation entourant le divorce, sur les forcément brillantes carrières auxquelles mènerait l'E.N.S. et l'agrégation de philosophie (les auteurs sont des disciples de Philippe Bouvard pour ce est qui de commentaires réitérés sur les « premiers de la classe »), sur la vision de l'évolution de la banlieue en deux ans, sur une interdiction des associations caritatives (il y a un haut-commissaire qui serait bien étonné), etc., etc., etc.

L'intrigue policière proprement dite, au-delà des absurdités de fond, n'est pas plus mauvaise que celle d'un téléfilm de base. Mais il y aurait probablement eu quelque chose à faire. En tenant réellement compte de l'actualité. En creusant. Peut-être en ne jouant pas à aussi court terme. Ou en déployant un peu moins de bêtise compacte, tout simplement. Ce n'est pas le cas. Et l'imbécillité du factum est si manifeste qu'elle ne peut que profiter à ceux ou celui qu'il prétend critiquer.