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Vous êtes ici : Quarante-Deux KWS Sommaire du nº 56 Sauveurs d’âmes

Keep Watching the Skies! nº 56, janvier 2007

James Stevens-Arce : Sauveurs d’âmes

(Soulsaver)

roman de Science-Fiction

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chronique par Philippe Paygnard

En cette fin d'année 2099, le jeune Juan Bautista Lorca fait partie du Corps Américain pour la Prévention du Suicide à Puerto Rico, cinquante et unième état de la grande théocratie des États-Unis d'Amérique. Avec sa collègue Fabiola Muñoz, à bord de son fourgonfrigo, son travail consiste à rapatrier au plus vite, vers le Centre de Résurrection San Francisco de Asis, les corps sans vie des suicidés où les dernières techniques médicales permettent de les ramener à la vie, avant que les prêtres ne les ramènent dans le droit chemin de la foi chrétienne. Juan est convaincu que sa mission est des plus utiles à la communauté, mais ses certitudes se fissurent lentement lorsqu'il se rend compte de l'injustice de la société dans laquelle il vit et de la corruption des prélats qui la dirigent.

Malgré l'étiquette "Thriller fantastique" que lui a collée le Fleuve noir, l'œuvre de James Arce-Stevens est un véritable roman de Science-Fiction. Son action se déroule en effet dans un futur proche et prend en compte les progrès envisageables, si ce n'est réalistes, de la cryogénie et de la chirurgie. De plus, comme tout bon livre de Science-Fiction, Sauveurs d'âmes développe une situation géopolitique qui n'est que l'extrapolation de certaines tendances actuelles. Ainsi, s'il est évident que les États-Unis que nous connaissons sont encore bien loin d'être la théocratie parlant hispanoanglais imaginée par James Arce-Stevens, la multiplication des télévangélistes, la montée et la prise en considération de la communauté hispanique, sans oublier le fait que certains dirigeants politiques américains semblent vouloir mêler Dieu à leurs décisions les plus importantes donnent un fond de crédibilité à cet ouvrage.

À partir de cette base, le romancier crée un univers à la fois réaliste, avec des banlieues populaires où règnent pauvreté et désespoir, mais aussi totalement fantaisiste où toutes les activités, en particulier culturelles, tournent autour de Dieu. Même le catch est touché par la Grâce divine et voit ainsi l'Agneau de Dieu affronter l'Adepte du Démon, tandis que les Petites Sœurs de la Charité luttent contre les Putains de Babylone, dans des matchs commentés par Frère Double Nelson. C'est véritablement toute la culture populaire américaine qui passe ainsi à la moulinette de James Arce-Stevens1.

Mais il ne s'agit là que du décor d'une histoire qui pourrait se résumer au classique affrontement du Bien, personnifié par des enfants jumeaux qui, malgré cette dualité, pourraient être le nouveau Messie, et le Mal, dont le révérend Jimmy Divine est la parfaite incarnation. Et, entre les deux, il y a Juan Bautista Lorca qui découvre que, malgré les enseignements qu'on lui a dispensés, tout n'est pas blanc ou noir. Il existe d'immenses zones de gris et d'infinies variations au sein de cette grisaille. Il finit surtout par comprendre qu'il est seul maître de son destin et qu'il ne doit compter sur personne pour prendre sa vie en main.

Même si, par moments, le trait peut sembler un peu lourd et le spectaculaire final complètement irréaliste, Sauveurs d'âmes est un livre qui a une âme et qui donne à réfléchir. C'est très certainement ce qui a permis à ce roman d'obtenir le Prix UPC (Universitat Politécnica de Catalunya) de Science-Fiction en 1997. Et c'est surtout ce qui lui a permis de trouver un éditeur après avoir essuyé nombre de refus de la part de grandes maisons d'édition américaines qui trouvaient ce texte politiquement incorrect, on comprend pourquoi.

Notes

  1. Baptisé Arce-Stevens en couverture et Stevens-Arce à l'intérieur de ce roman, l'auteur de Sauveurs d'âmes s'appelle bien James Stevens-Arce. Il est né en 1945. Il partage son temps professionnel entre l'écriture (une vingtaine de nouvelles et un roman) et la réalisation de films publicitaires et de documentaires.