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Vous êtes ici : Quarante-Deux KWS Sommaire du nº 54 éditorial

Keep Watching the Skies! nº 54, juillet 2006

Éditorial : n'allez pas croire

par Pascal J. Thomas

La vie offre aux patrons de fanzines de petites satisfactions. Découvrir qu'il existe un éditeur qui a choisi de s'appeler les Empêcheurs de penser en rond en est une. Recevoir gratuitement un livre qu'ils ont édité en est une plus insigne encore. Que le livre soit signé François Rouiller, humoriste, homme apprécié de tous, fin connaisseur de la S.-F., et c'est le bonheur : 100 mots pour voyager en Science-Fiction est un recueil d'articles courts sur… des idées ponctuelles plutôt que des thèmes, des réflexions inspirées par un livre, un film ou une BD plutôt que des critiques en bonne et due forme. J'y ai commis quelques incursions, et on y reviendra certainement dans les pages de KWS : le ton de ce livre est celui auquel je vise dans mes éditoriaux, et auquel j'ose espérer que certains de nos contributeurs savent parvenir.

Bonheur plus mitigé que celui de recevoir, quelques jours après, un deuxième exemplaire du même livre ! Euh, merci, merci, mais vous êtes sûrs que..? On se dit qu'un petit cadeau pour l'innombrable staff de la revue (et leurs familles), on se dit que l'attachée de presse tient beaucoup à un papier chez nous, leader d'opinion. On se dit qu'une main négligente n'a pas coché notre adresse dans une liste quelconque — je ne ris pas : ça m'arrive aussi, plus souvent qu'à mon tour…

On se dit surtout que l'importance d'une chronique dans KWS est sans doute surestimée. L'autre jour, je reçois ainsi deux livres d'un nouvel éditeur, tout aussi inconnu de moi — mais que connais-je, finalement ? —, le Navire en pleine ville. Superbe logo : un paquebot échoué dans les H.L.M. Ils font de la littérature pour la jeunesse, et le premier volume de la collection "Sous le vent" — semble-t-il —, l'Héritier du Tigre par Irène Delse, se réclame de la Fantasy. Prometteur ? On espère. On admire surtout l'énergie des gens qui lancent un nouvel éditeur à Saint Hippolyte du Fort, dans le Gard (avec, certes, le soutien de la région Languedoc Roussillon — qui ne doit pas être si facile à obtenir, quand on connaît le caractère de son président). On leur souhaite longue vie et prospérité.

Ce qui me surprend, c'est d'avoir reçu, non seulement un second livre (C'est l'Inuit qui gardera le souvenir du Blanc par Lilian Bathelot), mais un message plein de sollicitude de l'attachée de presse sur mon répondeur (situé bien entendu dans le dédale des bureaux de la multinationale KWS, au trentième étage d'une tour de bureaux dans les environs de Toulouse, comme vous l'aviez deviné).

Oui, oui, je l'ai reçu le livre, manque le temps pour le lire, ou même répondre à tous les coups de téléphone. Mais n'allez pas croire que le moindre article de KWS ait pu, un jour, faire vendre ne serait-ce que la moitié d'un livre. Nous écrivons pour le plaisir, et peut-être savons-nous faire partager le plaisir de la lecture ; mais j'ai bien peur qu'entre le temps que me prend la confection du KWS papier, et le temps pour qu'il trouve finalement la majeure partie de ses lecteurs sur le site de Quarante-Deux, il ne s'écoute suffisamment de temps pour que le livre moyen soit déjà retiré du commerce. Même Cathy Martin, héroïne célèbre du stock infini, a dû céder aux grossières insistances des nouveaux patrons de la libraire où elle travaille, et renvoyer une bonne partie des livres qui faisaient l'exceptionnelle richesse de choix de son rayon. Que la gloire promise à un livre par les louanges (ou l'étrillage) qu'il puisse recevoir au paradis électronique de Quarante-Deux soit immense, je n'en disconviens pas ; mais le paradis succède à la mort, et je doute que cette gloire-là réponde aux préoccupations plus immédiates de nos amies attachées de presse.

Merci, en tout cas, pour ces petits bonheurs d'ici-bas !