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Vous êtes ici : Quarante-Deux KWS Sommaire du nº 53 les Mages de Sumer

Keep Watching the Skies! nº 53, mai 2006

Michel Pagel : les Mages de Sumer

roman de Fantasy historique

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chronique par Éric Vial

Côté Fantasy, Michel Pagel n'a pas lésiné : des héros immortels ; des interventions de dieux et de déesses assez antérieur(e)s à la mythologie gréco-latine pour être radicalement exotiques — tout en pouvant nous disant vaguement quelque chose, comme Ishtar — ; de la magie comme s'il en pleuvait, et efficace avec ça, y compris la magie noire, avec invocations de démon et tout ce qui s'ensuit ; un Peuple parallèle à l'humanité, humanoïde, vivant dans les différents éléments, les commandant plus ou moins ou commandant aux végétaux, mais refoulé par les humains, et en butte à leur racisme… L'allusion à Gilgamesh est en prime. On l'aura compris, il y a largement là de quoi remplir un roman, et même ses suites.

Côté roman populaire, récit, conte et tout ça, ce n'est pas mal non plus : une opposition entre deux frères, l'un qui cherche le pouvoir, le cadet, bâtard, plus faible en théorie, plus humain sans doute, qui entend l'empêcher d'établir une tyrannie ; des déguisements, des évasions, des conspirations, des complots et des contre-complots, des alliés improbables et récalcitrants ; une intrigue politique et sexuelle entre le grand prêtre et la fille du roi ; pas mal de crimes et quelques combats ; des présages ; un benêt bien manipulé ; une jeune fille vouée à un mariage qui lui répugne ; une tradition qui veut qu'un roi en danger trouve un intérim décoratif sur lequel faire s'abattre les catastrophes, et à exécuter au bout du compte ; ce qu'il faut de tavernes, de prostituées (assez de cul au total pour intéresser le cas échéant TF1, mais il y aura des problèmes de décors et d'effets spéciaux), de soldats plus ou moins malins. Pour ce qui est d'occuper un roman, voir la fin du chapitre précédent.

Côté histoire, il se pourrait que le bât blesse quelque peu. Mais tant pis. Tant pis si l'on n'a guère de fiches supposées érudites, tirables de la Britannica s'il faut trouver plus discret que l'Universalis, et que l'on aurait de toutes façons lues au mieux en diagonale, tant pis s'il manque des cataplasmes de couleur locale et un guide touristique temporel. Il était d'ailleurs sans doute plus intéressant de plaisanter sur l'invention de l'écriture, sur les réticences des plus conservateurs, sur l'effet le plus négatif tout de même inévitable, à savoir la prolifération bureaucratique — même si les tablettes d'argile n'étaient pas encore rédigées en triple exemplaire —, et de semer quelques considérations désabusées sur les monarques, tyrans et rois. Pour le reste, Sumer et Akkad sont des décors, d'ailleurs plutôt moins de carton-pâte qu'Ur et Jérimadeth chez le père Hugo. Ca pourrait être autre chose. Un monde intemporel aux frontières de l'Histoire réelle ou imaginaire. Cela n'a pas tellement d d'importance : ce qui compte, c'est l'efficacité, le dynamisme, la façon de nouer les fils de l'intrigue ou des intrigues, d'embarquer le lecteur, de lui faire quitter le réel pendant quelques heures. Et même de lui faire attendre la suite, ce qui est toujours bon signe — avec des héros immortels prêts à dévaler les siècles en commençant par le xxive d'avant notre ère, il y aura sans doute de quoi se rassasier… si les ventes y incitent. Ce ne serait pas une mauvaise chose.