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Vous êtes ici : Quarante-Deux KWS Sommaire du nº 50 éditorial

Keep Watching the Skies! nº 50, janvier 2005

Éditorial : fortune or fame

par Pascal J. Thomas

« Up on housing project hill,

It's either fortune or fame.

You must pick one or the other

Though neither are to be what they claim. »

Just like Tom Thumb's blues

Bob Dylan

Au bout de cinquante numéros de KWS, on est en droit de faire un bilan de cette expérience imaginée en 1992 par Sylvie Denis et Francis Valéry. Et de s'étonner, une fois de plus, et de la survie du titre, et de sa nature duale : le KWS papier, que presque personne n'achète mais qui, finalement, gagne sa vie convenablement ; et le KWS électronique — avec le même contenu —, que personne ne paie, et que tout le monde lit.

Pour la fortune, avouons-le, c'est râpé : avec sa petite cinquantaine d'abonnés, qui ne recrachent qu'avec la plus grande réticence au bassinet, KWS ne figure pas parmi les grands succès du moment de la presse écrite. Mais il ne coûte pas cher à réaliser — grâces en soient rendues à Espace Repro, de la route de Narbonne, à Toulouse, la meilleure boutique de photocopies que je connaisse hors du Việt Nam —, et le modique tarif auquel il est vendu couvre les frais, dans lesquels la Poste se taille la part du lion (plus de 40 %). Ajoutez à cela quelques exemplaires passés de main en main lors des conventions, et soustrayez ceux qui sont envoyés à titre gracieux aux collaborateurs, fondateurs, ou autres bienfaiteurs de la revue : total, à chaque numéro sorti, quelques sous tombent dans mon escarcelle. À peine assez, au demeurant, pour payer les bières consommées lors des susdites conventions.

Côté célébrité, c'est toute autre chose. Une simple recherche Google sur mon nom révèle 1380 références à "Pascal J. Thomas" — sans oublier les guillemets, et le J. de l'initiale, essentiel pour me distinguer du metteur en scène, et d'une foule d'autres homonymes. Il y a un an, il n'y en avait que 800 environ, et près de la moitié d'entre elles étaient dues à KWS. Le Web change vite ; aujourd'hui, sur les quatre premières pages de références proposées par Google, j'ai noté 6 références à KWS, 22 autres références relevant de la SF et du fandom, et 5 autres (d'origine professionnelle, comme mes publications scientifiques ou participations à des séminaires ; utilisez Google Scholar pour vous limiter à ce domaine). En ce qui concerne la SF hors KWS, j'adore ce fragment d'article où je suis cité pour une phrase qui définit le concept d'urbanisme. Étant donné que je suis un ignorant presque total en la matière, je trouve la chose piquante. Il y a une explication ; je vous l'épargnerai. Visiblement — et les statistiques de fréquentation du site xlii le confirment —, les pages KWS sont visitées, et lues — signe qu'une partie au moins des gens qui affirment, histoire d'échapper à l'insistance commerciale de son rédacteur en chef, lire KWS sur le web, le font sans doute vraiment. C'en est au point que, cherchant sur la Toile les références de la parution originale du Syndrome du scaphandrier, de Serge Brussolo — auteur pourtant entouré d'un culte intense, et motivé — je suis encore retombé, parmi les dix premières réponses, sur la chronique parue dans KWS.

Il convient de s'interroger sur les raisons de ce succès — que, je me hâte de l'avouer, je ne sais guère comparer au succès d'autres bases de données en ligne sur la SF ; les outils, et l'intelligence, me manquent pour cela. Le contenu ? Certes KWS offre une liberté de ton, de forme et de longueur inconnue de nombre de supports papier plus “sérieux” — tant qu'il s'agit de parler de livres, et en français. Mais il n'a rien d'unique, surtout comparé à d'autres sites consacrés à la Science-Fiction. On ne lira sans doute pas KWS, non plus, pour le plaisir du style ; si nous pouvons avoir des collaborateurs à la plume virtuose, ils se font rares de nos jours, et le verdict est unanime en ce qui concerne la piètre qualité de l'écriture de votre serviteur — qui est donc, aussi, dans l'incapacité d'améliorer la prose de ses coaccusés —, même si les diagnostics divergent quant aux causes de cet état de fait.

Bref, reconnaissons-le modestement : le contenu de KWS est sympathique, mais banal ; ce qui fait son succès “en ligne”, c'est le travail de Quarante-Deux dont les maîtres-d'œuvre possèdent — outre leur goût et leur culture en matière de SF, amplement démontrés par les anthologies qu'ils ont signées —, des compétences autrement plus précieuses que celles des chroniqueurs. Compétences qu'ils ont mises à profit pour créer un site riche et bien organisé, dont KWS bénéficie, avec une béate reconnaissance.

Pour autant, il n'y a pas pour l'instant de projet d'abandon de la version papier de KWS. Elle donne au rédacteur-en-chef la motivation occasionnelle nécessaire à une activité qui connaît inévitablement des à-coups, et la satisfaction d'un travail manuel de maquettiste — bien grand mot, en l'occurrence. Et l'artificielle division en numéros successifs fournit au lecteur le prétexte de se mettre à lire KWS maintenant, ou bientôt, et en tout cas en toutes sortes de lieux, plutôt qu'un jour problématique et devant leur écran, sur le site des Quarante-Deux.

C'est cette numérotation qui motive également la présente célébration cinquantenaire. À la suite d'un repas de convention sans nul doute trop arrosé, l'idée — passablement crétine — a germé entre Sylvie Lainé, Noé Gaillard et moi-même : retracer l'histoire du zine en 50 mini-chroniques, chacune comptant exactement… 50 mots ! Avec la contrainte supplémentaire que la chronique nouvelle, pour courte qu'elle soit, fournisse un nouveau regard sur le livre, et soit donc signée par un autre que le chroniqueur d'origine. Une poignée de collaborateurs coutumiers — ou beaucoup moins coutumiers — de KWS se sont attelés à l'exercice, durant lequel aucun animal n'a été maltraité — car aucune bête ne l'aurait fait. Comme Sylvie l'a fait remarquer, plus des règles sont absurdes, plus rigoureusement elles doivent être observées. Je vous laisse juges — attention, je vous rappelle qu'en général, les mots élidés comptent toujours pour un mot ; donc "d'un", ça fait deux mots, même si MesCouillesSoft Word® vous dit le contraire. Les chroniques sont classées, non par auteur comme le fait habituellement KWS, mais par ordre chronologique de parution de la première chronique dans le fanzine. Vous verrez qu'il y a certainement eu des étourderies, et des tricheries… nul n'est parfait. Ni même parfaitement crétin !